entretien avec...
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Re: entretien avec...
Didier Guiserix qui nous raconte...
Quand un fait divers est utilisé par la télé pour tuer le JdR !
Il y a vingt ans, le numéro 82 de Casus Belli s’ouvrait sur un article écrit par Didier Guiserix et Franck Stora, décryptant un événement qui affectera profondément le paysage rôlistique. La télévision, à travers l’émission de Jacques Pradel Témoin n° 1 (sur TF1), avait désigné le jeu de rôle comme le principal responsable du suicide d’un adolescent. 20 ans après, Didier Guiserix nous livre son témoignage sur toute l’affaire, dont le point culminant sera l’émission truquée de Mirelle Dumas.
Quand un fait divers est utilisé par la télé pour tuer le JdR !
Il y a vingt ans, le numéro 82 de Casus Belli s’ouvrait sur un article écrit par Didier Guiserix et Franck Stora, décryptant un événement qui affectera profondément le paysage rôlistique. La télévision, à travers l’émission de Jacques Pradel Témoin n° 1 (sur TF1), avait désigné le jeu de rôle comme le principal responsable du suicide d’un adolescent. 20 ans après, Didier Guiserix nous livre son témoignage sur toute l’affaire, dont le point culminant sera l’émission truquée de Mirelle Dumas.
Casus Belli : Bonjour Didier ! Peux-tu nous rappeler le contexte de cette émission de Jacques Pradel Témoin n°1, diffusée en mai 1994 sur TF1 ?
Didier Guiserix : Cela faisait quelques temps que des lecteurs commençaient à nous dire qu’il y a avait une histoire qui paraissait dans la presse écrite et qui concernait le JdR. Mais pour reprendre le contexte d’avant la diffusion de l’émission, il faut savoir que les parents, M. et Mme Maltese n’acceptaient pas les explications officielles du suicide de leur ils Christophe. Ce qui leur a mis la puce à l’oreille, c’est que même leur avocat n’arrivait pas à récupérer les effets personnels de leur fils qui était en internat. Ils se sont dit qu’il y avait là quelque chose que l’administration ne voulait pas révéler. D’autant que j’ai su après, quand on a vraiment discuté avec les parents, que l’enquêteur en question n’était pas du tout l’enquêteur théoriquement concerné par les faits de suicide dans la région. De plus, il semblait être une relation personnelle du chef d’établissement. Pour les parents, cette conjonction d’éléments sentait le coup fourré.
CB : Vous avez parlé aux parents ? À quel moment ? Après la publication de votre article ?
DG : En fait, on a eu plusieurs fois contact avec les parents. On les a eus au début de l’affaire. Leur démarche, à ce moment là, c’est que puisqu’ils ont l’impression que les autorités du coin leur cachent quelque chose, ils ont décidé d’utiliser les médias pour faire parler de la mort de leur ils, de manière à savoir ce qui lui est réellement arrivé. Quoi qu’il lui soit arrivé, ils veulent savoir la vérité, avec confiance.
À ce moment-là, ils n’ont pas encore récupéré les affaires de leur ils. Comme ils savaient qu’il jouait au JdR à l’internat, ils pensent à n’importe quoi ! À un prof qui joue un peu les gourous, par exemple…
Ils ne savent pas avec qui il joue, dans quel contexte. Ils connaissent bien un ou deux copains qui jouaient avec Christophe mais, à ce moment là, les parents des copains interdisent à leurs enfants de parler aux parents Maltese. Il y a une espèce de parano ambiante qui est créée par l’omerta globale. Cette parano se comprend de la part de ces parents mais aussi, après coup, de la part du chef d’établissement, puisqu’officieusement - et on en a discuté avec des enseignants de la région beaucoup plus tard - il y a eu effectivement à cette époque une vague de déprime qui a affecté les établissements scolaires. Il faut savoir qu’il y a toujours des suicides chez les adolescents. Et avant les événements dont on parle, il y a eu une vague de suicides chez les ados d’internat du coin et, du coup, il y a peut-être une consigne ou au moins un non-dit de la part des institutions, qui vise à minimiser ou cacher les affaires de ce type. En somme, tout un engrenage expliquant pourquoi les parents n’ont pas d’information se met en place.
Les parents, donc, font jouer en premier lieu la presse écrite locale. Très vite, les chasseurs de sujet des émissions de télé repèrent l’affaire. L’équipe de Pradel y voit du bon « miam-miam » et fait venir les parents sur le plateau pour Témoin n°1. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’à l’époque, même pour un « vrai » journaliste qui veut faire son boulot, sur le jeu de rôle, il n’y a rien. Le seul bouquin qui s’appelle « jeu de rôle », c’est un Que sais-je sur les techniques de jeu de rôle en psychothérapie, écrit par Moreno dans les années 1920 (!). Il n’y aucune trace ! Rien. Pour Pradel, rien de plus facile que de tomber dans l’amalgame, le « Qu’est-ce que c’est que ces ados qui font de la psychothérapie à l’intérieur de l’école ?» Ils peuvent attaquer le sujet par n’importe quel biais, personne ne va leur apporter la contradiction. Seul le fameux Docteur Abgrall, le psychothérapeute invité pour l’occasion, est là pour apporter son regard d’expert. Lui-même essaie d’avoir un avis sur le sujet parce qu’il traite trois ou quatre patients adolescents ayant des problèmes et jouant au jeu de rôle. Par ailleurs, il est connu parce qu’il lutte contre la secte de la scientologie en essayant d’aider des gens qui veulent s’en sortir. Il faut se rappeler que le docteur Abgrall est, à cette époque, un peu dans un contexte parano, puisqu’ il est victime des manigances de la scientologie, qui veut le briser. Il n’est pas menacé de mort, mais il est sous pression. Il a reconnu après l’affaire qu’il n’avait pas assez de connaissances pour parler du JdR. Mais, au moment de l’émission, il s’était fait une certaine idée du JdR puisque ses patients lui en parlent, et pense donc en savoir assez pour pouvoir en parler. En vérité, il ne connaît le JdR ludique qu’à travers des ados qui ont des problèmes psychologiques et il a donc une vision extrêmement déformée, d’autant qu’il a aussi cette vision du jeu de rôle issue de la psychothérapie. Dans le cadre d’une émission de télé, on parle de tout ça vite fait, avec tous les amalgames et raccourcis possibles.
CB : Que s’est-il passé après Témoin n°1 ?
DG : Les émissions télé se sont enchaînées rapidement ! Ce qui a été dit dans Témoin n°1 provoque l’intérêt et des gens de la télé recontactent les parents Maltese. Quand on les a eus la première fois pour notre enquête, ils nous ont juste décrit les circonstances qui les ont poussés à agir par voie de presse (et on ne leur a rien demandé de plus). Sauf que le temps a passé et qu’il y a eu ensuite l’émission de M6, Zone interdite, un reportage un peu sensationnaliste avec beaucoup d’erreurs et d’approximations, mais pas véritablement à charge contre le JdR et, pour finir, Bas les masques, l’émission de Mireille Dumas.
CB : Celle dont on se souvient tous !
DG : Oui. C’est celle qui a le plus marqué les gens, parce que l’émission de Pradel a, certes, montré le JdR sous un mauvais jour, mais tout le monde savait que l’émission de Pradel était larmoyante…
CB : Et puis Pradel, c’est celui qui faisait les émissions sur les Petits Gris de Roswell !
DG : Oui. En y réfléchissant, son émission correspondait bien à l’attente initiale des parents pour sortir de l’omerta. L’émission consistait souvent à retrouver des gens, recueillir des témoignages. Il était naturel que les parents aillent chez lui. Mais ce qui a porté un grand coup au JdR, c’est bien sûr l’accumulation des émissions et surtout celle de Mireille Dumas, qui était truquée et à charge contre notre loisir. Après cette émission terrible, on a rappelé les parents Maltese pour leur demander comment ils avaient pu dire tout ça contre le JdR, et les parents nous ont révélé qu’ils n’avaient jamais dit ce qui était passé pendant l’émission…
CB : !!!
DG : Eh oui… En fait, il semblerait que Mireille Dumas ait eu une amie dont les enfants jouaient aux jeux de rôle et qui n’aimait pas du tout ça. La présentatrice a pris la balle au bond, programmant un sujet d’émission à charge contre le JdR dans le contexte du suicide de Christophe, histoire de bien démolir. Les parents ont servi de gibier, sans aucun respect pour leur histoire. Quand, dans l’émission, on parle de la façon de jouer de Christophe, Mireille Dumas demande : « Est-ce que vous pensez que c’est à cause du JdR ? », au moment de l’enregistrement de l’émission, la mère répond : « Non, pas du tout » mais, quand elle se voit dans l’émission, le monteur a remplacé sa réponse par une image d’elle en train de hocher de la tête, comme si elle acquiesçait à la question de Mireille Dumas ! Cela nous a permis d’apprendre qu’à la télévision, il existe un beau métier qui s’appelle « monteur-truqueur ».
CB : Et la suite ?
DG : Et bien, la mère était vraiment révulsée par ce qu’on lui avait fait dire et elle s’est insurgée violemment. C’était une émission à charge, avec toute la panoplie de la désinformation. À cette époque-là, le magazine était encore dans le wargame et on avait un gros bouquin sur les méthodes de propagande des nazis et des soviétiques pendant la deuxième guerre mondiale, et on s’est « amusé », à Casus Belli – enfin, ça nous a fait rire jaune – à pointer toutes les recettes qu’elle avait employé pour son émission. Résultat, les deux tiers des astuces employées par la propagande pendant la guerre ont été utilisée dans cette émission…
CB : Heureusement, vous aviez eu la chance d’avoir les retours des parents pour comprendre comment l’émission s’était réellement passée !
DG : On les a eu après, et on est revenu là-dessus dans un autre article plus tard… Mais Casus n’est lu que par les lecteurs de Casus, donc ça n’a pas pu empêcher la double réaction primaire des gens qui n’y connaissent rien, du type : « Ouhlala, c’est dangereux, Mireille Dumas l’a dit », ni celle des gens qui étaient responsables dans les mairies et qui nous disaient : « Oui, nous on sait bien que ce n’est pas dangereux, que c’est sympa, mais on ne peut pas braver tous les parents de la commune, et donc désolé, mais le club ferme ».
CB : Si j’ai bien compris, l’impact sur les clubs n’était pas encore très sensible après la diffusion de Témoin n°1, mais il l’est devenu après l’émission de Mireille Dumas, c’est ça ?
DG : Pour Témoin n°1, c’est vraiment sensible auprès des joueurs, qui se sentent légitimement concernés, blessés et à qui cela pose déjà des problèmes. Mais effectivement, il n’y a pas encore de vague de fermeture de clubs. Cette vague, elle va être totale après Bas les masques. Parce qu’il existait à cette époque 15 000 petits clubs de dix copains environs dans les MJC de village et autres… Et tous ces petits clubs-là vont fermer ! Et ces 15 000 petits clubs qui ferment, c’est 150 000 joueurs qui n’ont plus de lieu où jouer parce que chez eux, ce n’est pas toujours pratique.
CB : On aurait vraiment pu imaginer que les parents Maltese n’ont pas essayé de comprendre le JdR, mais en fait, ça semble être l’inverse ?
DG : Oui, ils ont vraiment pris la peine de parler avec nous, et puis il faut dire quand même que nous avons essayé de montrer que nous cherchions à savoir, à comprendre, et qu’on était ni contre eux, ni pour eux. Ce qu’on leur a dit clairement et ce qui, je crois, les a touché, c’est qu’il y avait 400 000 joueurs en France et que si, vraiment, il y avait eu des vagues de suicides, nous l’aurions su. Nous leur avons dit que tous ces gens-là étaient profondément blessés par cette émission. D’ailleurs, pour clarifier un peu l’histoire, la mère de la famille Maltese était en fait la belle-mère de Christophe. C’était une famille recomposée. C’est elle que nous avons eue un peu plus au téléphone. Après son remariage avec le père de Christophe, elle allait avoir un enfant et, rétrospectivement, ils pensent aujourd’hui que Christophe, déjà abandonné par sa mère, s’est senti abandonné par sa belle-mère, qu’il aimait bien. Il était très agité par tout ce contexte et les parents ne l’ont pas vu. Pour revenir à Casus, on a essayé de démonter les problèmes un par un, au moins pour nos lecteurs, pour qu’ils aient des arguments basés sur des faits pour leurs propres discussions.
CB : Mais face au pouvoir de la télé...
DG : Voilà ! L’émission a fait énormément de mal, mais elle a fait réagir les parents Maltese et le docteur Abgrall. Ce dernier habitait près de Toulon, où se tenait le France Sud Open au Fort Faron, qui réunissait 600 joueurs. Les gens qui organisaient cet événement travaillaient avec les institutions locales, avaient un peu pignon sur rue et ils se sont permis de l’appeler et de lui demander pourquoi il avait soutenu ces émissions-là. L’année après Mireille Dumas, ils ont carrément invité le docteur pour lui poser ces mêmes questions. Et bien il a eu le courage de venir et, ce qui est bien, c’est qu’il a discuté avec les organisateurs et les joueurs. Il n’est pas venu que pour sa conférence. Il a pris le temps de discuter avec les joueurs avant et après et il a expliqué pourquoi il était si raide à l’époque et pourquoi, dans les comportements autour de la table, il avait vu des dérives (le souffre-douleur des joueurs, le maître de jeu qui profite de sa position...). Il avait conscience des problèmes autour de la fiction en général et de la différence qu’il y a entre s’évader et fuir la réalité, en fonction du degré de mal-être d’un individu. Mais, pour rester sur Toulon, l’histoire la plus étrange suite à tout cela, c’est que juste après, un éditeur de la région a envoyé des émissaires dans les clubs de la ville pour trouver des auteurs et créer un jeu de rôle. Les gens ont bossé assez longtemps là-dessus, des mois, et puis finalement, sans explication, l’éditeur a laissé tomber l’affaire. Les auteurs, qui n’étaient pas très contents, se sont un peu renseignés sur l’éditeur pour savoir ce qu’il s’était passé… Et ils se sont aperçus que l’éditeur était un des multiples avatars liés à la scientologie ! En repensant à tout le processus, les auteurs se sont souvenus que l’éditeur leur avait donné petit à petit tout un tas d’éléments de règles étranges. Par exemple, les caractéristiques des personnages et leurs intitulés correspondaient à la grille de lecture de la scientologie ! Bref, au final, les auteurs étaient contents de ne pas s’être faits avoir !
CB : On n'est pas passé loin de quelque chose de terrible, là !
DG : Oui ! Et en fait, en réfléchissant, la conclusion à laquelle l’éditeur semble être arrivé, c’est que les auteurs ne faisaient jamais ce que les mecs de la scientologie voulaient. Les tests autour de la table étaient effectués avec des rôlistes, bien sûr, et, quand les gens de la maison d’édition venaient les voir, ils voyaient que ça partait en vrille, en bordel complet (rires)… alors qu’eux, ce qu’ils voulaient, c’était manipuler les gens. Mais non, ça ne marchait pas ! Autour d’une table, les rôlistes font ce qu’ils veulent, et ça ne servait pas du tout leur démarche de faire passer la grille de lecture de la scientologie de Ron Hubbard auprès de ce nouveau public.
Didier Guiserix : Cela faisait quelques temps que des lecteurs commençaient à nous dire qu’il y a avait une histoire qui paraissait dans la presse écrite et qui concernait le JdR. Mais pour reprendre le contexte d’avant la diffusion de l’émission, il faut savoir que les parents, M. et Mme Maltese n’acceptaient pas les explications officielles du suicide de leur ils Christophe. Ce qui leur a mis la puce à l’oreille, c’est que même leur avocat n’arrivait pas à récupérer les effets personnels de leur fils qui était en internat. Ils se sont dit qu’il y avait là quelque chose que l’administration ne voulait pas révéler. D’autant que j’ai su après, quand on a vraiment discuté avec les parents, que l’enquêteur en question n’était pas du tout l’enquêteur théoriquement concerné par les faits de suicide dans la région. De plus, il semblait être une relation personnelle du chef d’établissement. Pour les parents, cette conjonction d’éléments sentait le coup fourré.
CB : Vous avez parlé aux parents ? À quel moment ? Après la publication de votre article ?
DG : En fait, on a eu plusieurs fois contact avec les parents. On les a eus au début de l’affaire. Leur démarche, à ce moment là, c’est que puisqu’ils ont l’impression que les autorités du coin leur cachent quelque chose, ils ont décidé d’utiliser les médias pour faire parler de la mort de leur ils, de manière à savoir ce qui lui est réellement arrivé. Quoi qu’il lui soit arrivé, ils veulent savoir la vérité, avec confiance.
À ce moment-là, ils n’ont pas encore récupéré les affaires de leur ils. Comme ils savaient qu’il jouait au JdR à l’internat, ils pensent à n’importe quoi ! À un prof qui joue un peu les gourous, par exemple…
Ils ne savent pas avec qui il joue, dans quel contexte. Ils connaissent bien un ou deux copains qui jouaient avec Christophe mais, à ce moment là, les parents des copains interdisent à leurs enfants de parler aux parents Maltese. Il y a une espèce de parano ambiante qui est créée par l’omerta globale. Cette parano se comprend de la part de ces parents mais aussi, après coup, de la part du chef d’établissement, puisqu’officieusement - et on en a discuté avec des enseignants de la région beaucoup plus tard - il y a eu effectivement à cette époque une vague de déprime qui a affecté les établissements scolaires. Il faut savoir qu’il y a toujours des suicides chez les adolescents. Et avant les événements dont on parle, il y a eu une vague de suicides chez les ados d’internat du coin et, du coup, il y a peut-être une consigne ou au moins un non-dit de la part des institutions, qui vise à minimiser ou cacher les affaires de ce type. En somme, tout un engrenage expliquant pourquoi les parents n’ont pas d’information se met en place.
Les parents, donc, font jouer en premier lieu la presse écrite locale. Très vite, les chasseurs de sujet des émissions de télé repèrent l’affaire. L’équipe de Pradel y voit du bon « miam-miam » et fait venir les parents sur le plateau pour Témoin n°1. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’à l’époque, même pour un « vrai » journaliste qui veut faire son boulot, sur le jeu de rôle, il n’y a rien. Le seul bouquin qui s’appelle « jeu de rôle », c’est un Que sais-je sur les techniques de jeu de rôle en psychothérapie, écrit par Moreno dans les années 1920 (!). Il n’y aucune trace ! Rien. Pour Pradel, rien de plus facile que de tomber dans l’amalgame, le « Qu’est-ce que c’est que ces ados qui font de la psychothérapie à l’intérieur de l’école ?» Ils peuvent attaquer le sujet par n’importe quel biais, personne ne va leur apporter la contradiction. Seul le fameux Docteur Abgrall, le psychothérapeute invité pour l’occasion, est là pour apporter son regard d’expert. Lui-même essaie d’avoir un avis sur le sujet parce qu’il traite trois ou quatre patients adolescents ayant des problèmes et jouant au jeu de rôle. Par ailleurs, il est connu parce qu’il lutte contre la secte de la scientologie en essayant d’aider des gens qui veulent s’en sortir. Il faut se rappeler que le docteur Abgrall est, à cette époque, un peu dans un contexte parano, puisqu’ il est victime des manigances de la scientologie, qui veut le briser. Il n’est pas menacé de mort, mais il est sous pression. Il a reconnu après l’affaire qu’il n’avait pas assez de connaissances pour parler du JdR. Mais, au moment de l’émission, il s’était fait une certaine idée du JdR puisque ses patients lui en parlent, et pense donc en savoir assez pour pouvoir en parler. En vérité, il ne connaît le JdR ludique qu’à travers des ados qui ont des problèmes psychologiques et il a donc une vision extrêmement déformée, d’autant qu’il a aussi cette vision du jeu de rôle issue de la psychothérapie. Dans le cadre d’une émission de télé, on parle de tout ça vite fait, avec tous les amalgames et raccourcis possibles.
CB : Que s’est-il passé après Témoin n°1 ?
DG : Les émissions télé se sont enchaînées rapidement ! Ce qui a été dit dans Témoin n°1 provoque l’intérêt et des gens de la télé recontactent les parents Maltese. Quand on les a eus la première fois pour notre enquête, ils nous ont juste décrit les circonstances qui les ont poussés à agir par voie de presse (et on ne leur a rien demandé de plus). Sauf que le temps a passé et qu’il y a eu ensuite l’émission de M6, Zone interdite, un reportage un peu sensationnaliste avec beaucoup d’erreurs et d’approximations, mais pas véritablement à charge contre le JdR et, pour finir, Bas les masques, l’émission de Mireille Dumas.
CB : Celle dont on se souvient tous !
DG : Oui. C’est celle qui a le plus marqué les gens, parce que l’émission de Pradel a, certes, montré le JdR sous un mauvais jour, mais tout le monde savait que l’émission de Pradel était larmoyante…
CB : Et puis Pradel, c’est celui qui faisait les émissions sur les Petits Gris de Roswell !
DG : Oui. En y réfléchissant, son émission correspondait bien à l’attente initiale des parents pour sortir de l’omerta. L’émission consistait souvent à retrouver des gens, recueillir des témoignages. Il était naturel que les parents aillent chez lui. Mais ce qui a porté un grand coup au JdR, c’est bien sûr l’accumulation des émissions et surtout celle de Mireille Dumas, qui était truquée et à charge contre notre loisir. Après cette émission terrible, on a rappelé les parents Maltese pour leur demander comment ils avaient pu dire tout ça contre le JdR, et les parents nous ont révélé qu’ils n’avaient jamais dit ce qui était passé pendant l’émission…
CB : !!!
DG : Eh oui… En fait, il semblerait que Mireille Dumas ait eu une amie dont les enfants jouaient aux jeux de rôle et qui n’aimait pas du tout ça. La présentatrice a pris la balle au bond, programmant un sujet d’émission à charge contre le JdR dans le contexte du suicide de Christophe, histoire de bien démolir. Les parents ont servi de gibier, sans aucun respect pour leur histoire. Quand, dans l’émission, on parle de la façon de jouer de Christophe, Mireille Dumas demande : « Est-ce que vous pensez que c’est à cause du JdR ? », au moment de l’enregistrement de l’émission, la mère répond : « Non, pas du tout » mais, quand elle se voit dans l’émission, le monteur a remplacé sa réponse par une image d’elle en train de hocher de la tête, comme si elle acquiesçait à la question de Mireille Dumas ! Cela nous a permis d’apprendre qu’à la télévision, il existe un beau métier qui s’appelle « monteur-truqueur ».
CB : Et la suite ?
DG : Et bien, la mère était vraiment révulsée par ce qu’on lui avait fait dire et elle s’est insurgée violemment. C’était une émission à charge, avec toute la panoplie de la désinformation. À cette époque-là, le magazine était encore dans le wargame et on avait un gros bouquin sur les méthodes de propagande des nazis et des soviétiques pendant la deuxième guerre mondiale, et on s’est « amusé », à Casus Belli – enfin, ça nous a fait rire jaune – à pointer toutes les recettes qu’elle avait employé pour son émission. Résultat, les deux tiers des astuces employées par la propagande pendant la guerre ont été utilisée dans cette émission…
CB : Heureusement, vous aviez eu la chance d’avoir les retours des parents pour comprendre comment l’émission s’était réellement passée !
DG : On les a eu après, et on est revenu là-dessus dans un autre article plus tard… Mais Casus n’est lu que par les lecteurs de Casus, donc ça n’a pas pu empêcher la double réaction primaire des gens qui n’y connaissent rien, du type : « Ouhlala, c’est dangereux, Mireille Dumas l’a dit », ni celle des gens qui étaient responsables dans les mairies et qui nous disaient : « Oui, nous on sait bien que ce n’est pas dangereux, que c’est sympa, mais on ne peut pas braver tous les parents de la commune, et donc désolé, mais le club ferme ».
CB : Si j’ai bien compris, l’impact sur les clubs n’était pas encore très sensible après la diffusion de Témoin n°1, mais il l’est devenu après l’émission de Mireille Dumas, c’est ça ?
DG : Pour Témoin n°1, c’est vraiment sensible auprès des joueurs, qui se sentent légitimement concernés, blessés et à qui cela pose déjà des problèmes. Mais effectivement, il n’y a pas encore de vague de fermeture de clubs. Cette vague, elle va être totale après Bas les masques. Parce qu’il existait à cette époque 15 000 petits clubs de dix copains environs dans les MJC de village et autres… Et tous ces petits clubs-là vont fermer ! Et ces 15 000 petits clubs qui ferment, c’est 150 000 joueurs qui n’ont plus de lieu où jouer parce que chez eux, ce n’est pas toujours pratique.
CB : On aurait vraiment pu imaginer que les parents Maltese n’ont pas essayé de comprendre le JdR, mais en fait, ça semble être l’inverse ?
DG : Oui, ils ont vraiment pris la peine de parler avec nous, et puis il faut dire quand même que nous avons essayé de montrer que nous cherchions à savoir, à comprendre, et qu’on était ni contre eux, ni pour eux. Ce qu’on leur a dit clairement et ce qui, je crois, les a touché, c’est qu’il y avait 400 000 joueurs en France et que si, vraiment, il y avait eu des vagues de suicides, nous l’aurions su. Nous leur avons dit que tous ces gens-là étaient profondément blessés par cette émission. D’ailleurs, pour clarifier un peu l’histoire, la mère de la famille Maltese était en fait la belle-mère de Christophe. C’était une famille recomposée. C’est elle que nous avons eue un peu plus au téléphone. Après son remariage avec le père de Christophe, elle allait avoir un enfant et, rétrospectivement, ils pensent aujourd’hui que Christophe, déjà abandonné par sa mère, s’est senti abandonné par sa belle-mère, qu’il aimait bien. Il était très agité par tout ce contexte et les parents ne l’ont pas vu. Pour revenir à Casus, on a essayé de démonter les problèmes un par un, au moins pour nos lecteurs, pour qu’ils aient des arguments basés sur des faits pour leurs propres discussions.
CB : Mais face au pouvoir de la télé...
DG : Voilà ! L’émission a fait énormément de mal, mais elle a fait réagir les parents Maltese et le docteur Abgrall. Ce dernier habitait près de Toulon, où se tenait le France Sud Open au Fort Faron, qui réunissait 600 joueurs. Les gens qui organisaient cet événement travaillaient avec les institutions locales, avaient un peu pignon sur rue et ils se sont permis de l’appeler et de lui demander pourquoi il avait soutenu ces émissions-là. L’année après Mireille Dumas, ils ont carrément invité le docteur pour lui poser ces mêmes questions. Et bien il a eu le courage de venir et, ce qui est bien, c’est qu’il a discuté avec les organisateurs et les joueurs. Il n’est pas venu que pour sa conférence. Il a pris le temps de discuter avec les joueurs avant et après et il a expliqué pourquoi il était si raide à l’époque et pourquoi, dans les comportements autour de la table, il avait vu des dérives (le souffre-douleur des joueurs, le maître de jeu qui profite de sa position...). Il avait conscience des problèmes autour de la fiction en général et de la différence qu’il y a entre s’évader et fuir la réalité, en fonction du degré de mal-être d’un individu. Mais, pour rester sur Toulon, l’histoire la plus étrange suite à tout cela, c’est que juste après, un éditeur de la région a envoyé des émissaires dans les clubs de la ville pour trouver des auteurs et créer un jeu de rôle. Les gens ont bossé assez longtemps là-dessus, des mois, et puis finalement, sans explication, l’éditeur a laissé tomber l’affaire. Les auteurs, qui n’étaient pas très contents, se sont un peu renseignés sur l’éditeur pour savoir ce qu’il s’était passé… Et ils se sont aperçus que l’éditeur était un des multiples avatars liés à la scientologie ! En repensant à tout le processus, les auteurs se sont souvenus que l’éditeur leur avait donné petit à petit tout un tas d’éléments de règles étranges. Par exemple, les caractéristiques des personnages et leurs intitulés correspondaient à la grille de lecture de la scientologie ! Bref, au final, les auteurs étaient contents de ne pas s’être faits avoir !
CB : On n'est pas passé loin de quelque chose de terrible, là !
DG : Oui ! Et en fait, en réfléchissant, la conclusion à laquelle l’éditeur semble être arrivé, c’est que les auteurs ne faisaient jamais ce que les mecs de la scientologie voulaient. Les tests autour de la table étaient effectués avec des rôlistes, bien sûr, et, quand les gens de la maison d’édition venaient les voir, ils voyaient que ça partait en vrille, en bordel complet (rires)… alors qu’eux, ce qu’ils voulaient, c’était manipuler les gens. Mais non, ça ne marchait pas ! Autour d’une table, les rôlistes font ce qu’ils veulent, et ça ne servait pas du tout leur démarche de faire passer la grille de lecture de la scientologie de Ron Hubbard auprès de ce nouveau public.
Propos recueillis par Damien Coltice
Extrait Casus Belli n°11 Septembre - Octobre 2014
Extrait Casus Belli n°11 Septembre - Octobre 2014
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Certains peuples vouent un culte à l'argent au commerce, d'autres ne vivent que par la mécanique, d'autres encore se complaisent dans la conquête et la guerre. Croyez-moi, un marin au long cours aura l'occasion de voir bien des choses étranges au cours de ses voyages !
Hual Bouffeur d'Ecume
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Re: entretien avec...
Entretiens avec les tauliers de John Doe
John Grümpf et Emmanuel Gharbi sont respectivement illustrateur/auteur et gérant des éditions John Doe, petite maison très sympathique ayant publié entre autre : le dK système, Bloodlust, Les Mille Marches ou encore Final Frontier.
Il y a peu, eux-mêmes ainsi que d'autres auteurs/éditeurs ont été interviewés par Coralie David, doctorante en littérature comparée, travaillant sur la relation que le jeu de rôle entretient avec le reste de la culture populaire. Le site de John Doe a d'ailleurs publié un lien vers un Podcast de Radio Rôliste, ou la demoiselle est interrogée sur ses travaux.
Je vous propose ici le lien pour accéder à l'interview des gens de John Doe ! Bonne lecture !
http://johndoe-rpg.com/wp-content/uploads/2014/09/Entretien-avec-Le-Gr%C3%BCmph-et-Emmanuel-Gharbi.pdf
Invité- Invité
Re: entretien avec...
MARC NUNÈS
« Je suis nostalgique »
Il aura fallu attendre un reportage sur la Tric Trac Tv (ici) pour que le grand public entende parler de Marc Nunès, le millionnaire fondateur d’Asmodée, le géant de la distribution mondiale de jeux. Car l’homme est discret et n’a accordé dans toute sa vie que trois interviewes. Dont celle-ci, accordée en exclusivité pour Casus Belli !
« Je suis nostalgique »
Il aura fallu attendre un reportage sur la Tric Trac Tv (ici) pour que le grand public entende parler de Marc Nunès, le millionnaire fondateur d’Asmodée, le géant de la distribution mondiale de jeux. Car l’homme est discret et n’a accordé dans toute sa vie que trois interviewes. Dont celle-ci, accordée en exclusivité pour Casus Belli !
C’est Croc lui-même qui nous emmène voir Marc Nunès dans les locaux de Space Cowboys, le nouvel éditeur de jeu de société au sein duquel se sont retrouvés des anciens d’Asmodée et quelques personnalités ayant réussi dans le milieu ces dernières années. « Le plus simple pour le voir, c’est de passer au bureau. Il a bien envie de parler du bon vieux temps », nous dit Croc, qui a fait l’ensemble de sa carrière à ses côtés. Après quelques minutes d’attente, Marc arrive, détendu comme il l’est toujours, et la discussion commence. Retour sur les premières années de la plus formidable « success story » du milieu du jeu.
Casus Belli : Il paraît que tu es avant tout un rôliste ?
Marc Numès : Oui, oui, je viens du JdR avant de venir du jeu.
CB : Comment as-tu commencé le jeu de rôle ?
Marc Nunès : J’ai commencé le JdR avec un groupe de copains, alors que j’étais en troisième, je pense. J’entendais des gens parler de trucs étranges dans la cour de récréation et ça m’interpellait. C’était des gens qui jouaient à Donjons & Dragons et je leur ai demandé de m’en dire un peu plus. Je suis allé voir une partie ou deux et puis, à partir de là, j’ai chopé le virus.
CB : Vous jouiez en anglais, à l’époque ?
MN : Oui, oui, il n’y avait pas encore de version française. On a joué de manière très très courte à Donjon, pendant six mois peut-être, et après on est passé directement sur Runequest. Et là, j’ai dû jouer à Runequest pendant quatre ou cinq ans dans une campagne écrite par un copain.
CB : Tu as quel âge à ce moment-là ?
MN : Je ne me souviens plus… (Il cherche) Quinze ou seize ans. Après, avec le même groupe de joueurs, on a fondé un club de JdR à Virolay qui s’appelait le « 20 naturel ».
CB : Beaucoup de gens jouaient dans ce club à cette époque ?
MN : Il y avait deux clubs en fait. Le 20 naturel était ouvert le samedi après-midi, et il existait un club à Chaville où on jouait le vendredi soir. On était entre vingt-cinq et trente-cinq. Le président du club était Laurent Trémel, qui a écrit notamment Silrin et Kronos, deux jeux d’une vieille gamme Siroz qui s’appelait Universom et dans laquelle il y a avait Berlin XVIII, notamment (PLACER LE LIEN DU POST Universom dans CB#08).
CB : À quel moment as-tu croisé Croc ?
MN : Le MJ qui nous faisait jouer régulièrement dans ma classe était Eric Bouchaud, qui a fondé Siroz Productions, avec Nicolas Théry (qui lui était moins joueur de JdR mais plus graphiste), Laurent Trémel était également au club et Croc, lui, venait de temps en temps. À ce moment-là, il habitait Versailles et il jouait aussi dans un autre club de JdR dont j’ai oublié le nom. Il est venu nous voir quand son club a fermé et il a commencé à nous faire tester Bitume. Il nous a fait aussi découvrir Warhammer, Warhammer Battle, enfin ce genre de jeux.
CB : Tous ces jeux étaient faciles d’accès à l’époque, ou vous aviez des photocopies ?
MN : C’était pas mal de la photocopie (rires). Nous, on achetait nos jeux dans un magasin. Enfin, de temps en temps ! On faisait des expéditions complètement folles jusqu’à chez Descartes ou L’Œuf Cube. Et sinon, dans le centre commercial de Vélizy, il y avait un magasin Games avec un rayon JdR et on achetait nos jeux là-bas.
CB : Donc tu croises tous ces gens là et certains, comme Croc, veulent déjà être édités ?
MN : Croc veut se faire éditer, Eric Bouchaud et Nicolas Théry aussi. En fait, on teste leurs jeux. Eric écrivait beaucoup, c’est lui qui avait écrit toute la campagne de Runequest à laquelle on a joué pendant des années. Un jour, il a l’idée de faire un jeu qui se passe en banlieue. Avec des skins, des punks, des redskins, qui étaient des sujets d’actualité à cette époque-là. Il écrit Zone, on le teste, on aime ça, et tous les gens à qui on fait jouer adorent. À un moment, il leur prend l’envie de monter une boîte et de l’éditer. C’est comme ça que l’aventure Siroz commence.
CB : Et toi, à ce moment-là, tu regardes ça de loin ?
MN : Moi, à ce moment-là, je suis actionnaire dans la boîte de manière hyper minoritaire. Je n’en ai pas le souvenir, mais on doit parler d’une société de 200 € de capital, je pense. Je dois avoir même pas 10% du capital et je commence d’ailleurs à bosser et à m’orienter plutôt vers le commercial. Je vends des offres d’emploi dans un journal. Du coup, Eric, qui n’est pas du tout commercial, me demande de venir vendre les jeux. Le samedi après-midi, je me rends dans sa chambre, avec une liste et des fiches client bristol, et on appelle les magasins pour vendre des Zone, des Zonequest, etc. On avait un facturier fait à la main, c’était rigolo. Je faisais les ventes, lui faisait les factures, sa mère les colis… C’était une très petite entreprise ! Ensuite, ça a commencé à se développer, on a sorti des extensions à Zone, la gamme Universom, avec Silrin écrit par Laurent Trémel, Berlin XVIII première édition, qui était alors dans la gamme Universom, et enfin notre premier jeu sous couverture cartonnée, Whog Shrog.
CB : Comment est né le concept de Whog Shrog (WS) ?
MN : À la base, WS devait être un épisode d’Universom, mais on s’est tellement éclatés en jouant à ce truc qu’on s'est dit que ça allait marcher ! Cela dit, je pense qu’on a quand même réussi à faire la couverture la plus hideuse du monde du jeu. C’était aussi un jeu qui avait l’air hyper bourrin. En fait, Eric était tellement bon MJ que quand on jouait à WS, ce n’était pas du tout bourrin, mais ce qu’il a écrit et ce qu’on a donné aux joueurs… Par exemple, nous, les grenades atomiques, on les avait, mais on ne les a jamais fait exploser, et on n’a pas pensé une seule seconde que quelqu’un penserait à les faire sauter !
CB : Il y a l’aspect graphique qui apportait aussi ce côté bourrin, non ?
MN : Ouais, mais l’aspect graphique n’était pas plus réfléchi que ça. On connaissait quatre mecs qui savaient faire des dessins, et c’est eux qui s’en occupaient.
CB : Là, vous aviez vingt balais, pas plus ?
MN : Oui, vingt. Je devais sortir de l’armée. Mais malheureusement, la boîte se plante parce que Eric était très bon MJ, mais pas forcément bon gestionnaire. Le père de Nicolas avait un ami qui faisait des affaires et était d’accord pour reprendre la boîte, au moins pour rembourser les dettes. Et les dettes représentaient beaucoup d’argent à l’époque, c’était compliqué. Après quelques péripéties, le gars éponge les dettes, les actionnaires historiques s’en vont, mais le mec demande à ce que je reste parce qu’il faut quelqu’un pour faire le commercial. Et c’est là que Croc me rejoint. On a besoin de quelqu’un qui fasse de la création et le premier jeu de cette nouvelle boîte, qui s’appelle Idéojeux, c’est In Nomine Satanis/Magna Veritas.
CB : Un petit succès d’estime…
MN : Petit succès d’estime, oui (sourire), qui est le premier jeu Siroz qui marche vraiment, en fait. Paradoxalement, ce n’est pas un jeu Siroz parce que c’est Croc qui l’a fait. Croc avait sa propre marque, qui s’appelait Futur proche, mais il est bien dans l’esprit de ce qu’on voulait faire avec Siroz auparavant. Des jeux rock’n roll, avec un esprit un peu décalé, un peu rigolo.
CB : Qu’est-ce qui provoque le rapprochement avec Croc ?
MN : Il faut savoir que quand je vendais les jeux Siroz, je vendais aussi les siens. On avait donc déjà regroupé nos efforts. Il avait In Nomine en tête. INS/MV devait être signé chez Siroz, si je ne dis pas de bêtise. Il avait écrit le jeu pour nous avant la reprise. C’est sur Idéojeux qu’on a commencé notre collaboration et, depuis, on ne s’est plus quittés !
CB : Le vieux couple ! Parlons des conditions de travail à cette époque, comment ça se passait ? Vous bossiez dans une cave ?
MN : Non, on travaillait dans un bureau Place Clichy, à la Fourche. On partageait ça avec Gilles Maurice qui faisait un jeu par correspondance dont j’ai oublié le nom et qui marchait bien. On jouait des guerriers… Attendez, Croc va retrouver le nom… (Il part voir Croc pour lui poser la question et revient). Duel master ! En réalité, on avait repris les anciens locaux de Chroniques d’Outre-monde et on les partageait avec Gilles Maurice.
CB : Au cours de cette période, vous jouiez encore beaucoup ?
MN : Je crois que je ne jouais déjà plus énormément au JdR. Je commençais à jouer beaucoup plus aux jeux de plateau, Diplo, Machiaveli. Philippe Mouret, avec qui on jouait au JdR, n’était pas encore chez nous, mais il était déjà un pote, et lui collectionnait les jeux de plateau. Tous les vendredi soir, on faisait des soirées jeux de plateau chez lui. On ne jouait plus beaucoup au JdR. J’avais déjà pas mal décroché. J’y suis retourné après, j’ai fait des campagnes de L5R un petit peu, de Cthulhu et Warhammer. C’est à dire que ça prenait beaucoup de temps, et ce n’était pas très compatible avec les filles et deux trois autres trucs qui m’intéressaient à l’époque ! (Rires)
CB : Idéojeux, ça a duré combien d’années ?
MN : Jusqu’en 1995. Ça doit commencer vaguement en 1989, jusqu’en 1995.
CB : Vous vous développez vraiment, à ce moment-là ?
MN : Oui. On lance nos deux premiers jeux : In Nomine et Car Wars. Après suivent Bloodlust, Heavy Metal, Scales.... et je pense que c’est déjà sur Idéojeux qu’on signe L5R en français, mais je ne peux pas vous le jurer.
CB : Est-ce que vous passez à côté de certains trucs à l’époque ?
MN : Magic, Vampire. (Il s’esclaffe). Un jour, il y a un type qui vient en France jusqu’à notre bureau et qui nous dit : « Regardez mon jeu, Vampire, it’s wonderful »… et je lui dis : « Non, monsieur, il faut me laisser, il faut partir maintenant ». À l’époque, on n’était pas du tout dans une logique de gagner de l’argent et on faisait des trucs qui nous plaisaient. Faire de la traduction, ce n’était pas nous. Il y avait des boîtes qui faisaient de la traduction (Hexagonal, Oriflam, Descartes), mais Siroz, non. Donc globalement, Vampire ou un autre jeu, ça ne m’intéressait pas par principe. Si on m’avait proposé D&D à cette époque là, que l’on a fait plus tard avec Asmodée, on ne l’aurait pas fait je pense, parce que c’était exactement l’inverse de ce que nous voulions faire. Quelque part, on n’a pas raté Vampire, on n’était pas intéressés. Ce n’est pas comme ça que je voyais la boîte. On avait cette idée que Siroz, c’était la boîte qui créait des JdR en France. C’est pour ça que quand Multisim est apparu, ça a tout de suite été nos concurrents. Ils sont venus sur notre territoire. Et ils sont bien venus, car avec des jeux beaucoup plus beaux que nous à l’époque, mieux fabriqués, etc. Et puis c’était l’anti-Siroz. Nous on était des bourrins et eux des intellos. Quelque part, c’était assez rigolo.
CB : Alors dis-nous, c’était vrai au fond ? Vous étiez vraiment les bourrins et eux vraiment les intellos ?
MN : (Blagueur) Si, à la fin, ce sont les bourrins qui gagnent, alors oui ! Plus sérieusement, on ne cherchait pas la même chose. J’en avais discuté avec Frédéric Weil [PLACER LE LIEN DU POST dans CB#11] qui était un type avec qui je ne m’entendais pas bien à l’époque, mais avec qui ça s’est pas mal détendu par la suite. Lui, il ne faisait pas des jeux, il faisait des œuvres de l’esprit. Et nous, on faisait des jeux. On n’était pas sur la même planète et je crois qu’on ne recherchait pas la même chose. On a essayé de faire des trucs qui nous éclataient et leur trip n’était pas le nôtre. Par exemple, quand on a lancé Scales, on a offert des romans. On a fait écrire un roman à Gérard et Anne Guéraud, et on en a offert 10 000 avant que le jeu ne sorte. On a inventé des trucs comme ça, mais le but n’était pas de lancer une gamme de romans comme Multisim, ce n’était pas sérieux. D’ailleurs, on avait appelé ça les éditions du Khom-Heïdon !
CB : Ça vous a bousculé cette compétition avec Multsim ?
MN : Ça nous a obligé à être meilleurs. Ça nous a obligé à être bien meilleurs ! À nous remettre en cause sur les illustrations, sur le graphisme, la fabrication.
CB : Vous avez tout de suite pris la mesure de ça ou cela a pris du temps ?
MN : Oui. Très vite. Moi, ça me saoulait un peu quand on ouvrait un de leur jeu à côté d'un des nôtres ! Le leur était beaucoup plus beau ! Je pense qu’il y avait vraiment la forme et le fond. Nous, on était là pour amener les gens dans notre délire et on n’attachait pas trop d’importance au look en général. Eux, ils étaient vraiment là pour faire des œuvres. Ça nous a obligé à remonter notre niveau… Par contre, on n’a jamais fait d’œuvre, bien sûr...
CB : Après toute cette période, qu’est-ce qui vous a décidé à vous développer dans le jeu de société ?
MN : Comme je l’ai expliqué dans le reportage Tric Trac sur les Space Cowboys, c’est Magic : L’assemblée.
C’est Magic qui a tué le JdR chez nous. J’ai des souvenirs très précis. J’appelle un magasin à Nice, qui s’appelait Jeux et réflexion et qui n’existe plus. C’était un magasin avec qui on travaillait beaucoup, tenu par un mec avec qui je m’entendais très bien au téléphone. Donc je l’appelle et je me souviens, on commercialisait le nouvel écran de In Nomine, qui était un produit important. Le nouvel écran de la nouvelle édition d’In Nomine. Je lui dis : « Salut, je t’appelle, j’ai le nouvel écran de la nouvelle édition de In Nomine… » et il me dit : « Salut, t’as du Magic ? Non ? Et bien, ça ne m’intéresse pas. » Et il me raccroche au nez ! Je me souviens qu’à la fin de ce coup de fil là, je me dis que si on ne trouve pas autre chose, on est morts. En fait, ce qu'il s’est passé à l’époque, c’est que tous les joueurs de JdR se sont mis à jouer à Magic. On a été obligés de réinventer de nouveaux produits qui pouvaient plaire à des gens pris dans Magic. On a sorti Elixir. (il s’interrompt) Mais rendons à César ce qui appartient à César. Dans un édito de Didier Guiserix dans Casus Belli, je vois écris : « à quand un magazine de jeux de cartes ? » C’était la dernière phrase de son édito et je me dis que c’est une putain d’idée ! À cette période, on faisait Plasma, qui était un magazine de JdR traitant des jeux Siroz… (Malicieux) Bref, un fanzine ! Et comme Plasma ne se vendait pas du tout et que c’était les gens d’Halloween Concept qui faisaient Plasma, je leur ai dit : « Hé, les gars, pourquoi vous ne feriez pas à la place de Plasma qui ne se vend pas un magazine de jeux de cartes à collectionner ? » Ils trouvent que c’est une bonne idée et on lance Lotus Noir. Premier numéro de Lotus Noir, la tronche de Croc avec le lancement d’Intervention Divine (le jeu de cartes à collectionner dans l’univers d’INS/MV). En fait, on a d’abord lancé Intervention Divine et, quasiment parallèlement à ça, Halloween publie un jeu qui s’appelle Il était une fois.
CB : Halloween, c’était quoi par rapport à Siroz à l’époque ?
MN : C’était des gens complètement séparés de nous, mais c’était des potes et on les distribuait parce que eux n’avait pas de distributeur à l’époque. Et puis, ils faisaient Plasma. Les trois, quatre premiers numéros de Lotus noir ne sont pas distribués en kiosques et c’est Asmodée qui assure la distribution. On se rend compte qu’Il était une fois marche pas mal et Asmodée lance Elixir dans la foulée. C’est là que se situe le début de l’évolution d’Asmodée vers le jeu de société. Le seul retour qu’on a effectué vers le JdR, c’est l’épisode L5R, où l’on fait le jeu de cartes et le jeu de rôle, qui marche pas mal, d’ailleurs. Dans la foulée, on fait le deuxième jeu de AEG, 7ème mer, qui marche moins bien.
CB :Et tout ça nous mène à D&D3 !
MN : [il réfléchit] Je ne me souviens même plus comment on le récupère !
CB : Ça ne t’intéresse pas trop à ce moment-là ?
MN : Si, si, à ce moment-là, oui. Asmodée est vraiment devenu une boîte qui est là pour vendre des jeux. On a déjà racheté Jeux Descartes. Je suppose qu’on récupère D&D parce qu’on récupère Jeux Descartes. À moins qu’on nous l’ait proposé... À la base, on n’est pas très Donjon. On nous aurait proposé Runequest, on l’aurait fait avec beaucoup plus d’enthousiasme, je suppose.
CB : Pourquoi vous n’étiez pas très Donjon ?
MN : Je pense que le JdR, c’est avant tout une rencontre avec un MJ et moi, le MJ que j’ai rencontré, c’est Eric Bouchaud, le co-fondateur de Siroz. Et lui était plus parti sur Runequest, Cthulhu, Space Opera… des jeux bizarres quoi! On ne jouait pas à D&D.
CB : Est-ce que ça n’a pas été difficile aussi de voir mourir le JdR ?
MN : Je pense que ça correspondait à une époque et le sentiment que j’avais sur la fin quand on faisait D&D, c’est que les gens continuaient d’acheter, mais qu’ils ne jouaient plus. Ça fait un peu vieux con de dire ça, mais je pense que le JdR tel qu’on l’a connu, c’est plus compliqué aujourd’hui parce que le public qui faisait du JdR a vieilli et quand on vieillit… On a une vie sociale, familiale, des choses à faire, un travail et c’est plus compliqué de passer ses nuits à jouer. Alors je me trompe peut-être, c’est sans doute une analyse à deux sous. Sinon, Asmodée est devenu une entreprise importante où tu es obligé de faire le calcul temps passé contre rentabilité et quand tu fais ce calcul-là, entre un booster Pokémon et un scénario D&D, c’est vite fait ! Je ne jouais plus. Plus personne ne jouait à part Croc de temps en temps....
CB : Mais tu finances quand même COPS, sans doute à perte ?
MN : C’est Croc qui a envie de faire ce truc et c’est Geof qui y a passé énormément de temps. Au début, le cahier des charges, c’est de faire un jeu de flics. On fait une ou deux parties qui marchent bien. Je suis un nostalgique de Berlin XVIII, qui est sans doute mon jeu préféré. C’est un peu comme dans l’automobile quand tu sors un modèle de prestige où tu sais que tu ne vas pas gagner d’argent, mais que c’est nécessaire pour l’image. COPS c’était ça, avec un budget illimité. On continue de faire du JdR pour montrer qu’on continue d’être une boîte qui fait du JdR. L’équipe a fait un travail extraordinaire ! COPS, c’était du super boulot.
Ils sont allés jusqu’au bout de l’histoire mais, quand tu vois le travail fourni par rapport au nombre de gens qui ont lu le truc jusqu’au bout, ça ne le fait pas du tout. On est allés jusqu’au bout, et peu de boîtes auraient pu se le permettre. On a dédié une petite partie de nos revenus à faire des choses dont on est fiers. COPS, je ne vais pas vous dire que j’ai lu tous les suppléments car ce n’est pas vrai, mais c’est un produit dont je suis fier. On l’a fait. En création de JdR, je ne suis pas sûr qu’il y ait eu une gamme aussi importante récemment. Mais malheureusement, le jeu n’a pas rencontré le succès qu’il méritait. Pour moi, un succès en termes de JdR, c’est Bloodlust. Premier jour d’implantation, 3000 jeux fabriqués, 3000 jeux vendus en une journée !
CB : En parlant de Bloodlust, tu peux nous dire, maintenant, comment vous aviez fait pour récupérer les illustrations de Frazetta ?
MN : On a dû payer une agence. (Il cherche) Pour toutes les illustrations de Frazetta qu’on a utilisées, on a dû payer 500 € à un type aux USA pour la première couverture. Je pense que le type était un escroc et n’avait jamais eu les droits, mais nous on a dû payer régulièrement les droits jusqu’à ce qu’on apprenne après que tous les droits étaient complètement bouclés et que personne ne pouvait utiliser Frazetta ! On peut prouver en toute bonne fois qu’on a payé quelqu’un, qu’on lui a fait des virements, mais à l’époque on était jeunes et naïfs, je pense…
CB : Vous n’avez jamais été embêtés par la suite ?
MN : Jamais ! Et pourtant, on a eu une certaine visibilité. Tout ça part d’un truc complètement débile ! On se disait que ce qu’il nous fallait, c’était le Death Dealer (NdlR : l’illustration présente sur la boîte de base) et puis, à un moment, on s’est dit que peut-être ça ne coûtait pas si cher que ça ! Je ne sais plus comment on s’y est pris, car il n’y avait pas Internet à l’époque. Je crois qu’on a acheté un bouquin où il y avait toutes les illustrations de Frazetta et c’est l’éditeur qu’on a appelé et il a du nous dire : « wonderful, envoyez-moi 500 dollars ». Il ne nous envoyait pas de fichier ! Rien ! On se démerdait à récupérer les scans avec le bouquin. Une escroquerie. Paradoxalement, ça coûtait moins cher que de faire une couverture normale... Le Death Dealer nous a coûté moins cher que la couverture de Whog Shrog ! (Rires) C’était une belle époque. Une époque rigolote !
CB : Tu es nostalgique de cette époque là ?
MN : Je suis nostalgique… parce que j’avais vingt berges, que j’avais moins de responsabilités, qu’on se marrait bien. Oui, je suis nostalgique. Asmodée, c’est une aventure fabuleuse bien sûr, mais la période Siroz, c’était la plus rigolote. On faisait ça en se disant que de toute façon ça allait s’arrêter demain ! Moi je me disais, je fais ça et puis quand il n’y aura plus de sous, j’irai chercher un vrai travail ! On était vraiment dans cet état d’esprit là. Tu te lèves le matin, tu sais que tu vas retrouver tes potes, tu vas jouer. En fait c’est exactement comme ici (NdlR : chez Space Cowboys) aujourd’hui.
CB : C’est ce que tu as voulu retrouver en créant Space Cowboys ?
MN : Ouais. Après ici, aujourd’hui, c’est quand même différent. On a tous réussi. Donc on n’a pas l’angoisse de la rentabilité, mais c’est exactement le même esprit. Quand tu viens le matin, tu retrouves tes potes. Quand tu n’as pas envie de venir, tu ne viens pas. C’était ça l’esprit. Et puis le milieu était différent, il y avait Jeux Descartes... Les gens du milieu aussi étaient différents…
CB : En parlant de choses plus piquantes, il y a aussi eu l’époque Backstab. Qu’est-ce qui vous a amenés à monter ce magazine pour concurrencer Casus ?
MN : Ce qui nous a amené à faire Backstab, c’était le succès de Lotus noir. On ne trouvait plus dans Casus Belli ce qu’on attendait à ce moment-là. CB : Quelles étaient vos critiques à l’égard de Casus à l’époque ?
MN : Pour l’avoir dit 50 000 fois à Didier (Guisérix) et à Pierre (Rosenthal), pour nous, ça manquait de testostérone. Ce n’était pas assez Siroz et trop Multisim, en quelque sorte. Ils avaient une ligne éditoriale à la Jeux Descartes, c’était tranquille, comme Pierre et Didier qui sont des gens tranquilles, qui n’aiment pas le conflit. Alors que nous, on était déjà des branleurs, on voulait que ça bouge, que ça remue un peu, et on a fait Backstab comme ça ! Alors, on s’est dit « on va faire un magazine, ça va être facile ». Chez Halloween Concept, ils y ont passé des nuits, c’était un boulot énorme, comme le travail qu’abattait Casus était un boulot énorme aussi !
CB : Quelles étaient vos relations avec les gars de Casus ? Vous vous connaissiez très bien ?
MN : Moi je connaissais bien Pierre (Rosenthal), on jouait ensemble à Capitaine Vaudou. Je connaissais bien Didier (Guisérix) aussi, et Jean-Marie le maquettiste. Un peu moins bien Tristan Lhomme, André Foussat, Anne Vétillard, mais je les connaissais. Vraiment, on ne trouvait pas dans Casus ce qu’on cherchait. Ça ne nous plaisait plus. Pour nous, c’était le JdR de papa. Et puis c’est vrai qu’à l’époque, c’était l’administration. Nous, on bossait à des horaires complètement décalés, eux avaient des vrais emplois à des heures de bureau. Mais c’était des gens fabuleux ! Pierre, je ne le vois plus beaucoup, mais je l’aime vraiment beaucoup. Didier, c’est Didier, c’est impossible de se fâcher avec lui. Cela dit, moi, j’ai toujours détesté la presse en temps que business. C’est un business que je ne comprends pas ! Les relevés des NMPP (distributeurs de presse), quand on a lancé Backstab, et pourtant je pense avoir vu quelques tableurs, c’était complètement incompréhensible ! Tu ne contrôles rien ! Ce sont des gens qui décident si vous avez gagné de l’argent ou pas. Bref, j’ai décroché très vite. Pour moi, Backstab, c’était Plasma qui avait réussi. Je pense qu’on a décroché au dixième numéro. J’ai le souvenir que Frédéric Weil nous avait proposé de reprendre Casus Belli, c’était en 2003 à peu près.
CB : Et tu n’as pas voulu de Casus ?
MN : Non, mais je le répète, Backstab, ça m’avait vacciné de la presse ! C’est un métier trop compliqué.
CB : Tu le lisais Casus à la grande époque ?
MN : Je lisais les news, les critiques en colonne. Je ne lisais pas les scénars, pas les aides de jeu… Je lisais les news en fait. Et les BD !
CB : Et aujourd’hui, tu ne joues plus au JdR ?
MN : Je n’ai pas le temps. Je n’ai pas trop d’envie. J’ai plus des envies de jeux de plateau.
CB : Ils se sont remis à jouer un peu chez Space Cowboys, Croc notamment…
MN : Oui, ils veulent même rééditer des jeux. Je regarde ça d’un œil attentif. Mais pour que le JdR me plaise, il faut que la table me plaise. Et les gens avec qui j’ai envie de jouer n’ont probablement pas le temps ou l’envie de le faire.
CB : On peut parler de ta collaboration avec Croc ? Il paraît qu’au départ, vous aviez un peu de mal à vous comprendre, c’est vrai ?
MN : On venait de deux mondes totalement différents ! C’est-à-dire que moi, j’étais commercial, je voulais vendre des jeux et lui était créateur pur.
CB : Vous vous entendiez bien sur les jeux ?
MN : On ne jouait pas ensemble du tout. On était collègues au début ! À la base, on ne vient pas de la même planète, mais on s’entendait quand même. On n’avait pas les mêmes envies, ni les mêmes centres d’intérêt. Lui, il est hyper concentré sur ce qu’il fait. C’est sa passion. Moi, c’est une de mes passions. J’en ai plein d’autres dans la vie et, au départ, c’est compliqué.
CB : Qui a fait le plus de compromis ?
MN : Lui, forcément ! Parce que c’était une petite boîte ! Le supplément qui sortait en octobre nous permettait de payer celui qui était sorti en septembre. On était obligés d’en sortir plein. On devait sortir un supplément In Nomine par mois à peu près. Il fallait quand même les cracher ! Donc il a forcément fait des compromis. Après, j’ai toujours essayé de lui donner le mieux pour qu’il fasse les meilleurs jeux, en fonction des moyens qu’on avait à l’époque. Moi, je n’ai jamais réellement fait de compromis. Parfois, il m’a agacé !
CB : Il paraît qu’une fois, il a détruit un fichier complet parce que tu lui avais fait une remarque désagréable dessus !
MN : Sur une simple coquille ! Il était à fleur de peau. Je crois que ça devait être l’ancêtre du Scriptarium Veritas avec la pochette en cuir. Je lui montre un truc et je lui dis que c’est pourri. Direct, il prend le truc qui avait été imprimé et le jette à la poubelle. Il va à l’ordinateur et efface le fichier… au final, il a du le recopier intégralement ! Mais après, on a appris à se connaître. Au début, il ne me faisait pas confiance. Il pensait que je vendais des jeux aujourd’hui et que, dans six mois, j’allais vendre des photocopieurs. D’autant qu’à l’époque, ça devait certainement être ça mon idée ! Je me disais que ça ne pouvait pas être ça mon travail ! J’étais dans cette espèce de truc où je papillonnais, mais où je faisais les choses sérieusement et lui, c’était sa vie ! Son Graal. Bosser dans le jeu. On n’avait pas la même implication dans les choses et ça ne l’aidait pas à me faire confiance !
CB : On dirait que tu avais quand même déjà ce respect du créatif ?
MN : Oui ! Si tu ne respectes pas les gens qui créent des jeux, tu n’auras pas de bons jeux.
CB : Si on te dit ça, c’est parce qu’on dit souvent des commerciaux que, pour eux, l’aspect le plus important, c’est comment tu vends le jeu, et pas le jeu lui-même...
MN : Ça c’est vrai ! Le plus important, c’est comment tu vends le jeu. Mais j’avais la volonté d’être fier de ce que je vendais. À partir du moment où on était fier de ce qu’on vendait…
CB : Ne pas avoir à mentir pour ses jeux…
MN : Ça si ! Mentir, ça ne m’a jamais gêné (rires) ! Mais on se disait : voilà ce qu’on pouvait faire de mieux avec les moyens qu’on avait. Ça, cela a toujours été la vérité. Croc n’est pas non plus une diva. Il essaie de faire du mieux possible, il va se battre pour que le truc soit le mieux possible, et puis si ce n’est pas possible, pour plein de raisons, financières ou autres, on lui explique et il comprend. Il boude, il bougonne parfois, mais il comprend. Aujourd’hui, on vit une situation de rêve, même si ce n’est pas pour le JdR. On a « budget illimité » pour faire des jeux. Le marché à tant changé… Un jeu comme Splendor, on l’aurait sorti il y a sept ou huit ans, on en aurait tiré 3000 en France, on les aurait vendus en un an et on aurait été hyper contents. Là, le marché étant devenu mondial, on en a vendu 130 000 en neuf mois ! Donc ça change complètement l’économie des choses, les budgets que tu peux mettre sur tes dessins, ton développement, ta fabrication.
CB : Toi, ça te plaît cette évolution mondiale du marché ?
MN : Ça plaît toujours quand tu fais quelque chose qui marche ! J’ai créé Asmodée, je l’ai dirigé, j’en ai fait une grosse boîte. Maintenant, je l’ai vendu donc je suis tranquille, mais ça m’amuse de pouvoir refaire ce que je faisais au départ et de voir que ça marche dix fois mieux qu’avant parce qu’une boîte comme Asmodée existe et a des tuyaux qui vont dans tous les pays du monde. On bénéficie aujourd’hui de ce qu’on a fait ces dernières années.
Casus Belli : Il paraît que tu es avant tout un rôliste ?
Marc Numès : Oui, oui, je viens du JdR avant de venir du jeu.
CB : Comment as-tu commencé le jeu de rôle ?
Marc Nunès : J’ai commencé le JdR avec un groupe de copains, alors que j’étais en troisième, je pense. J’entendais des gens parler de trucs étranges dans la cour de récréation et ça m’interpellait. C’était des gens qui jouaient à Donjons & Dragons et je leur ai demandé de m’en dire un peu plus. Je suis allé voir une partie ou deux et puis, à partir de là, j’ai chopé le virus.
CB : Vous jouiez en anglais, à l’époque ?
MN : Oui, oui, il n’y avait pas encore de version française. On a joué de manière très très courte à Donjon, pendant six mois peut-être, et après on est passé directement sur Runequest. Et là, j’ai dû jouer à Runequest pendant quatre ou cinq ans dans une campagne écrite par un copain.
CB : Tu as quel âge à ce moment-là ?
MN : Je ne me souviens plus… (Il cherche) Quinze ou seize ans. Après, avec le même groupe de joueurs, on a fondé un club de JdR à Virolay qui s’appelait le « 20 naturel ».
CB : Beaucoup de gens jouaient dans ce club à cette époque ?
MN : Il y avait deux clubs en fait. Le 20 naturel était ouvert le samedi après-midi, et il existait un club à Chaville où on jouait le vendredi soir. On était entre vingt-cinq et trente-cinq. Le président du club était Laurent Trémel, qui a écrit notamment Silrin et Kronos, deux jeux d’une vieille gamme Siroz qui s’appelait Universom et dans laquelle il y a avait Berlin XVIII, notamment (PLACER LE LIEN DU POST Universom dans CB#08).
CB : À quel moment as-tu croisé Croc ?
MN : Le MJ qui nous faisait jouer régulièrement dans ma classe était Eric Bouchaud, qui a fondé Siroz Productions, avec Nicolas Théry (qui lui était moins joueur de JdR mais plus graphiste), Laurent Trémel était également au club et Croc, lui, venait de temps en temps. À ce moment-là, il habitait Versailles et il jouait aussi dans un autre club de JdR dont j’ai oublié le nom. Il est venu nous voir quand son club a fermé et il a commencé à nous faire tester Bitume. Il nous a fait aussi découvrir Warhammer, Warhammer Battle, enfin ce genre de jeux.
CB : Tous ces jeux étaient faciles d’accès à l’époque, ou vous aviez des photocopies ?
MN : C’était pas mal de la photocopie (rires). Nous, on achetait nos jeux dans un magasin. Enfin, de temps en temps ! On faisait des expéditions complètement folles jusqu’à chez Descartes ou L’Œuf Cube. Et sinon, dans le centre commercial de Vélizy, il y avait un magasin Games avec un rayon JdR et on achetait nos jeux là-bas.
CB : Donc tu croises tous ces gens là et certains, comme Croc, veulent déjà être édités ?
MN : Croc veut se faire éditer, Eric Bouchaud et Nicolas Théry aussi. En fait, on teste leurs jeux. Eric écrivait beaucoup, c’est lui qui avait écrit toute la campagne de Runequest à laquelle on a joué pendant des années. Un jour, il a l’idée de faire un jeu qui se passe en banlieue. Avec des skins, des punks, des redskins, qui étaient des sujets d’actualité à cette époque-là. Il écrit Zone, on le teste, on aime ça, et tous les gens à qui on fait jouer adorent. À un moment, il leur prend l’envie de monter une boîte et de l’éditer. C’est comme ça que l’aventure Siroz commence.
CB : Et toi, à ce moment-là, tu regardes ça de loin ?
MN : Moi, à ce moment-là, je suis actionnaire dans la boîte de manière hyper minoritaire. Je n’en ai pas le souvenir, mais on doit parler d’une société de 200 € de capital, je pense. Je dois avoir même pas 10% du capital et je commence d’ailleurs à bosser et à m’orienter plutôt vers le commercial. Je vends des offres d’emploi dans un journal. Du coup, Eric, qui n’est pas du tout commercial, me demande de venir vendre les jeux. Le samedi après-midi, je me rends dans sa chambre, avec une liste et des fiches client bristol, et on appelle les magasins pour vendre des Zone, des Zonequest, etc. On avait un facturier fait à la main, c’était rigolo. Je faisais les ventes, lui faisait les factures, sa mère les colis… C’était une très petite entreprise ! Ensuite, ça a commencé à se développer, on a sorti des extensions à Zone, la gamme Universom, avec Silrin écrit par Laurent Trémel, Berlin XVIII première édition, qui était alors dans la gamme Universom, et enfin notre premier jeu sous couverture cartonnée, Whog Shrog.
CB : Comment est né le concept de Whog Shrog (WS) ?
MN : À la base, WS devait être un épisode d’Universom, mais on s’est tellement éclatés en jouant à ce truc qu’on s'est dit que ça allait marcher ! Cela dit, je pense qu’on a quand même réussi à faire la couverture la plus hideuse du monde du jeu. C’était aussi un jeu qui avait l’air hyper bourrin. En fait, Eric était tellement bon MJ que quand on jouait à WS, ce n’était pas du tout bourrin, mais ce qu’il a écrit et ce qu’on a donné aux joueurs… Par exemple, nous, les grenades atomiques, on les avait, mais on ne les a jamais fait exploser, et on n’a pas pensé une seule seconde que quelqu’un penserait à les faire sauter !
CB : Il y a l’aspect graphique qui apportait aussi ce côté bourrin, non ?
MN : Ouais, mais l’aspect graphique n’était pas plus réfléchi que ça. On connaissait quatre mecs qui savaient faire des dessins, et c’est eux qui s’en occupaient.
CB : Là, vous aviez vingt balais, pas plus ?
MN : Oui, vingt. Je devais sortir de l’armée. Mais malheureusement, la boîte se plante parce que Eric était très bon MJ, mais pas forcément bon gestionnaire. Le père de Nicolas avait un ami qui faisait des affaires et était d’accord pour reprendre la boîte, au moins pour rembourser les dettes. Et les dettes représentaient beaucoup d’argent à l’époque, c’était compliqué. Après quelques péripéties, le gars éponge les dettes, les actionnaires historiques s’en vont, mais le mec demande à ce que je reste parce qu’il faut quelqu’un pour faire le commercial. Et c’est là que Croc me rejoint. On a besoin de quelqu’un qui fasse de la création et le premier jeu de cette nouvelle boîte, qui s’appelle Idéojeux, c’est In Nomine Satanis/Magna Veritas.
CB : Un petit succès d’estime…
MN : Petit succès d’estime, oui (sourire), qui est le premier jeu Siroz qui marche vraiment, en fait. Paradoxalement, ce n’est pas un jeu Siroz parce que c’est Croc qui l’a fait. Croc avait sa propre marque, qui s’appelait Futur proche, mais il est bien dans l’esprit de ce qu’on voulait faire avec Siroz auparavant. Des jeux rock’n roll, avec un esprit un peu décalé, un peu rigolo.
CB : Qu’est-ce qui provoque le rapprochement avec Croc ?
MN : Il faut savoir que quand je vendais les jeux Siroz, je vendais aussi les siens. On avait donc déjà regroupé nos efforts. Il avait In Nomine en tête. INS/MV devait être signé chez Siroz, si je ne dis pas de bêtise. Il avait écrit le jeu pour nous avant la reprise. C’est sur Idéojeux qu’on a commencé notre collaboration et, depuis, on ne s’est plus quittés !
CB : Le vieux couple ! Parlons des conditions de travail à cette époque, comment ça se passait ? Vous bossiez dans une cave ?
MN : Non, on travaillait dans un bureau Place Clichy, à la Fourche. On partageait ça avec Gilles Maurice qui faisait un jeu par correspondance dont j’ai oublié le nom et qui marchait bien. On jouait des guerriers… Attendez, Croc va retrouver le nom… (Il part voir Croc pour lui poser la question et revient). Duel master ! En réalité, on avait repris les anciens locaux de Chroniques d’Outre-monde et on les partageait avec Gilles Maurice.
CB : Au cours de cette période, vous jouiez encore beaucoup ?
MN : Je crois que je ne jouais déjà plus énormément au JdR. Je commençais à jouer beaucoup plus aux jeux de plateau, Diplo, Machiaveli. Philippe Mouret, avec qui on jouait au JdR, n’était pas encore chez nous, mais il était déjà un pote, et lui collectionnait les jeux de plateau. Tous les vendredi soir, on faisait des soirées jeux de plateau chez lui. On ne jouait plus beaucoup au JdR. J’avais déjà pas mal décroché. J’y suis retourné après, j’ai fait des campagnes de L5R un petit peu, de Cthulhu et Warhammer. C’est à dire que ça prenait beaucoup de temps, et ce n’était pas très compatible avec les filles et deux trois autres trucs qui m’intéressaient à l’époque ! (Rires)
CB : Idéojeux, ça a duré combien d’années ?
MN : Jusqu’en 1995. Ça doit commencer vaguement en 1989, jusqu’en 1995.
CB : Vous vous développez vraiment, à ce moment-là ?
MN : Oui. On lance nos deux premiers jeux : In Nomine et Car Wars. Après suivent Bloodlust, Heavy Metal, Scales.... et je pense que c’est déjà sur Idéojeux qu’on signe L5R en français, mais je ne peux pas vous le jurer.
CB : Est-ce que vous passez à côté de certains trucs à l’époque ?
MN : Magic, Vampire. (Il s’esclaffe). Un jour, il y a un type qui vient en France jusqu’à notre bureau et qui nous dit : « Regardez mon jeu, Vampire, it’s wonderful »… et je lui dis : « Non, monsieur, il faut me laisser, il faut partir maintenant ». À l’époque, on n’était pas du tout dans une logique de gagner de l’argent et on faisait des trucs qui nous plaisaient. Faire de la traduction, ce n’était pas nous. Il y avait des boîtes qui faisaient de la traduction (Hexagonal, Oriflam, Descartes), mais Siroz, non. Donc globalement, Vampire ou un autre jeu, ça ne m’intéressait pas par principe. Si on m’avait proposé D&D à cette époque là, que l’on a fait plus tard avec Asmodée, on ne l’aurait pas fait je pense, parce que c’était exactement l’inverse de ce que nous voulions faire. Quelque part, on n’a pas raté Vampire, on n’était pas intéressés. Ce n’est pas comme ça que je voyais la boîte. On avait cette idée que Siroz, c’était la boîte qui créait des JdR en France. C’est pour ça que quand Multisim est apparu, ça a tout de suite été nos concurrents. Ils sont venus sur notre territoire. Et ils sont bien venus, car avec des jeux beaucoup plus beaux que nous à l’époque, mieux fabriqués, etc. Et puis c’était l’anti-Siroz. Nous on était des bourrins et eux des intellos. Quelque part, c’était assez rigolo.
CB : Alors dis-nous, c’était vrai au fond ? Vous étiez vraiment les bourrins et eux vraiment les intellos ?
MN : (Blagueur) Si, à la fin, ce sont les bourrins qui gagnent, alors oui ! Plus sérieusement, on ne cherchait pas la même chose. J’en avais discuté avec Frédéric Weil [PLACER LE LIEN DU POST dans CB#11] qui était un type avec qui je ne m’entendais pas bien à l’époque, mais avec qui ça s’est pas mal détendu par la suite. Lui, il ne faisait pas des jeux, il faisait des œuvres de l’esprit. Et nous, on faisait des jeux. On n’était pas sur la même planète et je crois qu’on ne recherchait pas la même chose. On a essayé de faire des trucs qui nous éclataient et leur trip n’était pas le nôtre. Par exemple, quand on a lancé Scales, on a offert des romans. On a fait écrire un roman à Gérard et Anne Guéraud, et on en a offert 10 000 avant que le jeu ne sorte. On a inventé des trucs comme ça, mais le but n’était pas de lancer une gamme de romans comme Multisim, ce n’était pas sérieux. D’ailleurs, on avait appelé ça les éditions du Khom-Heïdon !
CB : Ça vous a bousculé cette compétition avec Multsim ?
MN : Ça nous a obligé à être meilleurs. Ça nous a obligé à être bien meilleurs ! À nous remettre en cause sur les illustrations, sur le graphisme, la fabrication.
CB : Vous avez tout de suite pris la mesure de ça ou cela a pris du temps ?
MN : Oui. Très vite. Moi, ça me saoulait un peu quand on ouvrait un de leur jeu à côté d'un des nôtres ! Le leur était beaucoup plus beau ! Je pense qu’il y avait vraiment la forme et le fond. Nous, on était là pour amener les gens dans notre délire et on n’attachait pas trop d’importance au look en général. Eux, ils étaient vraiment là pour faire des œuvres. Ça nous a obligé à remonter notre niveau… Par contre, on n’a jamais fait d’œuvre, bien sûr...
CB : Après toute cette période, qu’est-ce qui vous a décidé à vous développer dans le jeu de société ?
MN : Comme je l’ai expliqué dans le reportage Tric Trac sur les Space Cowboys, c’est Magic : L’assemblée.
C’est Magic qui a tué le JdR chez nous. J’ai des souvenirs très précis. J’appelle un magasin à Nice, qui s’appelait Jeux et réflexion et qui n’existe plus. C’était un magasin avec qui on travaillait beaucoup, tenu par un mec avec qui je m’entendais très bien au téléphone. Donc je l’appelle et je me souviens, on commercialisait le nouvel écran de In Nomine, qui était un produit important. Le nouvel écran de la nouvelle édition d’In Nomine. Je lui dis : « Salut, je t’appelle, j’ai le nouvel écran de la nouvelle édition de In Nomine… » et il me dit : « Salut, t’as du Magic ? Non ? Et bien, ça ne m’intéresse pas. » Et il me raccroche au nez ! Je me souviens qu’à la fin de ce coup de fil là, je me dis que si on ne trouve pas autre chose, on est morts. En fait, ce qu'il s’est passé à l’époque, c’est que tous les joueurs de JdR se sont mis à jouer à Magic. On a été obligés de réinventer de nouveaux produits qui pouvaient plaire à des gens pris dans Magic. On a sorti Elixir. (il s’interrompt) Mais rendons à César ce qui appartient à César. Dans un édito de Didier Guiserix dans Casus Belli, je vois écris : « à quand un magazine de jeux de cartes ? » C’était la dernière phrase de son édito et je me dis que c’est une putain d’idée ! À cette période, on faisait Plasma, qui était un magazine de JdR traitant des jeux Siroz… (Malicieux) Bref, un fanzine ! Et comme Plasma ne se vendait pas du tout et que c’était les gens d’Halloween Concept qui faisaient Plasma, je leur ai dit : « Hé, les gars, pourquoi vous ne feriez pas à la place de Plasma qui ne se vend pas un magazine de jeux de cartes à collectionner ? » Ils trouvent que c’est une bonne idée et on lance Lotus Noir. Premier numéro de Lotus Noir, la tronche de Croc avec le lancement d’Intervention Divine (le jeu de cartes à collectionner dans l’univers d’INS/MV). En fait, on a d’abord lancé Intervention Divine et, quasiment parallèlement à ça, Halloween publie un jeu qui s’appelle Il était une fois.
CB : Halloween, c’était quoi par rapport à Siroz à l’époque ?
MN : C’était des gens complètement séparés de nous, mais c’était des potes et on les distribuait parce que eux n’avait pas de distributeur à l’époque. Et puis, ils faisaient Plasma. Les trois, quatre premiers numéros de Lotus noir ne sont pas distribués en kiosques et c’est Asmodée qui assure la distribution. On se rend compte qu’Il était une fois marche pas mal et Asmodée lance Elixir dans la foulée. C’est là que se situe le début de l’évolution d’Asmodée vers le jeu de société. Le seul retour qu’on a effectué vers le JdR, c’est l’épisode L5R, où l’on fait le jeu de cartes et le jeu de rôle, qui marche pas mal, d’ailleurs. Dans la foulée, on fait le deuxième jeu de AEG, 7ème mer, qui marche moins bien.
CB :Et tout ça nous mène à D&D3 !
MN : [il réfléchit] Je ne me souviens même plus comment on le récupère !
CB : Ça ne t’intéresse pas trop à ce moment-là ?
MN : Si, si, à ce moment-là, oui. Asmodée est vraiment devenu une boîte qui est là pour vendre des jeux. On a déjà racheté Jeux Descartes. Je suppose qu’on récupère D&D parce qu’on récupère Jeux Descartes. À moins qu’on nous l’ait proposé... À la base, on n’est pas très Donjon. On nous aurait proposé Runequest, on l’aurait fait avec beaucoup plus d’enthousiasme, je suppose.
CB : Pourquoi vous n’étiez pas très Donjon ?
MN : Je pense que le JdR, c’est avant tout une rencontre avec un MJ et moi, le MJ que j’ai rencontré, c’est Eric Bouchaud, le co-fondateur de Siroz. Et lui était plus parti sur Runequest, Cthulhu, Space Opera… des jeux bizarres quoi! On ne jouait pas à D&D.
CB : Est-ce que ça n’a pas été difficile aussi de voir mourir le JdR ?
MN : Je pense que ça correspondait à une époque et le sentiment que j’avais sur la fin quand on faisait D&D, c’est que les gens continuaient d’acheter, mais qu’ils ne jouaient plus. Ça fait un peu vieux con de dire ça, mais je pense que le JdR tel qu’on l’a connu, c’est plus compliqué aujourd’hui parce que le public qui faisait du JdR a vieilli et quand on vieillit… On a une vie sociale, familiale, des choses à faire, un travail et c’est plus compliqué de passer ses nuits à jouer. Alors je me trompe peut-être, c’est sans doute une analyse à deux sous. Sinon, Asmodée est devenu une entreprise importante où tu es obligé de faire le calcul temps passé contre rentabilité et quand tu fais ce calcul-là, entre un booster Pokémon et un scénario D&D, c’est vite fait ! Je ne jouais plus. Plus personne ne jouait à part Croc de temps en temps....
CB : Mais tu finances quand même COPS, sans doute à perte ?
MN : C’est Croc qui a envie de faire ce truc et c’est Geof qui y a passé énormément de temps. Au début, le cahier des charges, c’est de faire un jeu de flics. On fait une ou deux parties qui marchent bien. Je suis un nostalgique de Berlin XVIII, qui est sans doute mon jeu préféré. C’est un peu comme dans l’automobile quand tu sors un modèle de prestige où tu sais que tu ne vas pas gagner d’argent, mais que c’est nécessaire pour l’image. COPS c’était ça, avec un budget illimité. On continue de faire du JdR pour montrer qu’on continue d’être une boîte qui fait du JdR. L’équipe a fait un travail extraordinaire ! COPS, c’était du super boulot.
Ils sont allés jusqu’au bout de l’histoire mais, quand tu vois le travail fourni par rapport au nombre de gens qui ont lu le truc jusqu’au bout, ça ne le fait pas du tout. On est allés jusqu’au bout, et peu de boîtes auraient pu se le permettre. On a dédié une petite partie de nos revenus à faire des choses dont on est fiers. COPS, je ne vais pas vous dire que j’ai lu tous les suppléments car ce n’est pas vrai, mais c’est un produit dont je suis fier. On l’a fait. En création de JdR, je ne suis pas sûr qu’il y ait eu une gamme aussi importante récemment. Mais malheureusement, le jeu n’a pas rencontré le succès qu’il méritait. Pour moi, un succès en termes de JdR, c’est Bloodlust. Premier jour d’implantation, 3000 jeux fabriqués, 3000 jeux vendus en une journée !
CB : En parlant de Bloodlust, tu peux nous dire, maintenant, comment vous aviez fait pour récupérer les illustrations de Frazetta ?
MN : On a dû payer une agence. (Il cherche) Pour toutes les illustrations de Frazetta qu’on a utilisées, on a dû payer 500 € à un type aux USA pour la première couverture. Je pense que le type était un escroc et n’avait jamais eu les droits, mais nous on a dû payer régulièrement les droits jusqu’à ce qu’on apprenne après que tous les droits étaient complètement bouclés et que personne ne pouvait utiliser Frazetta ! On peut prouver en toute bonne fois qu’on a payé quelqu’un, qu’on lui a fait des virements, mais à l’époque on était jeunes et naïfs, je pense…
CB : Vous n’avez jamais été embêtés par la suite ?
MN : Jamais ! Et pourtant, on a eu une certaine visibilité. Tout ça part d’un truc complètement débile ! On se disait que ce qu’il nous fallait, c’était le Death Dealer (NdlR : l’illustration présente sur la boîte de base) et puis, à un moment, on s’est dit que peut-être ça ne coûtait pas si cher que ça ! Je ne sais plus comment on s’y est pris, car il n’y avait pas Internet à l’époque. Je crois qu’on a acheté un bouquin où il y avait toutes les illustrations de Frazetta et c’est l’éditeur qu’on a appelé et il a du nous dire : « wonderful, envoyez-moi 500 dollars ». Il ne nous envoyait pas de fichier ! Rien ! On se démerdait à récupérer les scans avec le bouquin. Une escroquerie. Paradoxalement, ça coûtait moins cher que de faire une couverture normale... Le Death Dealer nous a coûté moins cher que la couverture de Whog Shrog ! (Rires) C’était une belle époque. Une époque rigolote !
CB : Tu es nostalgique de cette époque là ?
MN : Je suis nostalgique… parce que j’avais vingt berges, que j’avais moins de responsabilités, qu’on se marrait bien. Oui, je suis nostalgique. Asmodée, c’est une aventure fabuleuse bien sûr, mais la période Siroz, c’était la plus rigolote. On faisait ça en se disant que de toute façon ça allait s’arrêter demain ! Moi je me disais, je fais ça et puis quand il n’y aura plus de sous, j’irai chercher un vrai travail ! On était vraiment dans cet état d’esprit là. Tu te lèves le matin, tu sais que tu vas retrouver tes potes, tu vas jouer. En fait c’est exactement comme ici (NdlR : chez Space Cowboys) aujourd’hui.
CB : C’est ce que tu as voulu retrouver en créant Space Cowboys ?
MN : Ouais. Après ici, aujourd’hui, c’est quand même différent. On a tous réussi. Donc on n’a pas l’angoisse de la rentabilité, mais c’est exactement le même esprit. Quand tu viens le matin, tu retrouves tes potes. Quand tu n’as pas envie de venir, tu ne viens pas. C’était ça l’esprit. Et puis le milieu était différent, il y avait Jeux Descartes... Les gens du milieu aussi étaient différents…
CB : En parlant de choses plus piquantes, il y a aussi eu l’époque Backstab. Qu’est-ce qui vous a amenés à monter ce magazine pour concurrencer Casus ?
MN : Ce qui nous a amené à faire Backstab, c’était le succès de Lotus noir. On ne trouvait plus dans Casus Belli ce qu’on attendait à ce moment-là. CB : Quelles étaient vos critiques à l’égard de Casus à l’époque ?
MN : Pour l’avoir dit 50 000 fois à Didier (Guisérix) et à Pierre (Rosenthal), pour nous, ça manquait de testostérone. Ce n’était pas assez Siroz et trop Multisim, en quelque sorte. Ils avaient une ligne éditoriale à la Jeux Descartes, c’était tranquille, comme Pierre et Didier qui sont des gens tranquilles, qui n’aiment pas le conflit. Alors que nous, on était déjà des branleurs, on voulait que ça bouge, que ça remue un peu, et on a fait Backstab comme ça ! Alors, on s’est dit « on va faire un magazine, ça va être facile ». Chez Halloween Concept, ils y ont passé des nuits, c’était un boulot énorme, comme le travail qu’abattait Casus était un boulot énorme aussi !
CB : Quelles étaient vos relations avec les gars de Casus ? Vous vous connaissiez très bien ?
MN : Moi je connaissais bien Pierre (Rosenthal), on jouait ensemble à Capitaine Vaudou. Je connaissais bien Didier (Guisérix) aussi, et Jean-Marie le maquettiste. Un peu moins bien Tristan Lhomme, André Foussat, Anne Vétillard, mais je les connaissais. Vraiment, on ne trouvait pas dans Casus ce qu’on cherchait. Ça ne nous plaisait plus. Pour nous, c’était le JdR de papa. Et puis c’est vrai qu’à l’époque, c’était l’administration. Nous, on bossait à des horaires complètement décalés, eux avaient des vrais emplois à des heures de bureau. Mais c’était des gens fabuleux ! Pierre, je ne le vois plus beaucoup, mais je l’aime vraiment beaucoup. Didier, c’est Didier, c’est impossible de se fâcher avec lui. Cela dit, moi, j’ai toujours détesté la presse en temps que business. C’est un business que je ne comprends pas ! Les relevés des NMPP (distributeurs de presse), quand on a lancé Backstab, et pourtant je pense avoir vu quelques tableurs, c’était complètement incompréhensible ! Tu ne contrôles rien ! Ce sont des gens qui décident si vous avez gagné de l’argent ou pas. Bref, j’ai décroché très vite. Pour moi, Backstab, c’était Plasma qui avait réussi. Je pense qu’on a décroché au dixième numéro. J’ai le souvenir que Frédéric Weil nous avait proposé de reprendre Casus Belli, c’était en 2003 à peu près.
CB : Et tu n’as pas voulu de Casus ?
MN : Non, mais je le répète, Backstab, ça m’avait vacciné de la presse ! C’est un métier trop compliqué.
CB : Tu le lisais Casus à la grande époque ?
MN : Je lisais les news, les critiques en colonne. Je ne lisais pas les scénars, pas les aides de jeu… Je lisais les news en fait. Et les BD !
CB : Et aujourd’hui, tu ne joues plus au JdR ?
MN : Je n’ai pas le temps. Je n’ai pas trop d’envie. J’ai plus des envies de jeux de plateau.
CB : Ils se sont remis à jouer un peu chez Space Cowboys, Croc notamment…
MN : Oui, ils veulent même rééditer des jeux. Je regarde ça d’un œil attentif. Mais pour que le JdR me plaise, il faut que la table me plaise. Et les gens avec qui j’ai envie de jouer n’ont probablement pas le temps ou l’envie de le faire.
CB : On peut parler de ta collaboration avec Croc ? Il paraît qu’au départ, vous aviez un peu de mal à vous comprendre, c’est vrai ?
MN : On venait de deux mondes totalement différents ! C’est-à-dire que moi, j’étais commercial, je voulais vendre des jeux et lui était créateur pur.
CB : Vous vous entendiez bien sur les jeux ?
MN : On ne jouait pas ensemble du tout. On était collègues au début ! À la base, on ne vient pas de la même planète, mais on s’entendait quand même. On n’avait pas les mêmes envies, ni les mêmes centres d’intérêt. Lui, il est hyper concentré sur ce qu’il fait. C’est sa passion. Moi, c’est une de mes passions. J’en ai plein d’autres dans la vie et, au départ, c’est compliqué.
CB : Qui a fait le plus de compromis ?
MN : Lui, forcément ! Parce que c’était une petite boîte ! Le supplément qui sortait en octobre nous permettait de payer celui qui était sorti en septembre. On était obligés d’en sortir plein. On devait sortir un supplément In Nomine par mois à peu près. Il fallait quand même les cracher ! Donc il a forcément fait des compromis. Après, j’ai toujours essayé de lui donner le mieux pour qu’il fasse les meilleurs jeux, en fonction des moyens qu’on avait à l’époque. Moi, je n’ai jamais réellement fait de compromis. Parfois, il m’a agacé !
CB : Il paraît qu’une fois, il a détruit un fichier complet parce que tu lui avais fait une remarque désagréable dessus !
MN : Sur une simple coquille ! Il était à fleur de peau. Je crois que ça devait être l’ancêtre du Scriptarium Veritas avec la pochette en cuir. Je lui montre un truc et je lui dis que c’est pourri. Direct, il prend le truc qui avait été imprimé et le jette à la poubelle. Il va à l’ordinateur et efface le fichier… au final, il a du le recopier intégralement ! Mais après, on a appris à se connaître. Au début, il ne me faisait pas confiance. Il pensait que je vendais des jeux aujourd’hui et que, dans six mois, j’allais vendre des photocopieurs. D’autant qu’à l’époque, ça devait certainement être ça mon idée ! Je me disais que ça ne pouvait pas être ça mon travail ! J’étais dans cette espèce de truc où je papillonnais, mais où je faisais les choses sérieusement et lui, c’était sa vie ! Son Graal. Bosser dans le jeu. On n’avait pas la même implication dans les choses et ça ne l’aidait pas à me faire confiance !
CB : On dirait que tu avais quand même déjà ce respect du créatif ?
MN : Oui ! Si tu ne respectes pas les gens qui créent des jeux, tu n’auras pas de bons jeux.
CB : Si on te dit ça, c’est parce qu’on dit souvent des commerciaux que, pour eux, l’aspect le plus important, c’est comment tu vends le jeu, et pas le jeu lui-même...
MN : Ça c’est vrai ! Le plus important, c’est comment tu vends le jeu. Mais j’avais la volonté d’être fier de ce que je vendais. À partir du moment où on était fier de ce qu’on vendait…
CB : Ne pas avoir à mentir pour ses jeux…
MN : Ça si ! Mentir, ça ne m’a jamais gêné (rires) ! Mais on se disait : voilà ce qu’on pouvait faire de mieux avec les moyens qu’on avait. Ça, cela a toujours été la vérité. Croc n’est pas non plus une diva. Il essaie de faire du mieux possible, il va se battre pour que le truc soit le mieux possible, et puis si ce n’est pas possible, pour plein de raisons, financières ou autres, on lui explique et il comprend. Il boude, il bougonne parfois, mais il comprend. Aujourd’hui, on vit une situation de rêve, même si ce n’est pas pour le JdR. On a « budget illimité » pour faire des jeux. Le marché à tant changé… Un jeu comme Splendor, on l’aurait sorti il y a sept ou huit ans, on en aurait tiré 3000 en France, on les aurait vendus en un an et on aurait été hyper contents. Là, le marché étant devenu mondial, on en a vendu 130 000 en neuf mois ! Donc ça change complètement l’économie des choses, les budgets que tu peux mettre sur tes dessins, ton développement, ta fabrication.
CB : Toi, ça te plaît cette évolution mondiale du marché ?
MN : Ça plaît toujours quand tu fais quelque chose qui marche ! J’ai créé Asmodée, je l’ai dirigé, j’en ai fait une grosse boîte. Maintenant, je l’ai vendu donc je suis tranquille, mais ça m’amuse de pouvoir refaire ce que je faisais au départ et de voir que ça marche dix fois mieux qu’avant parce qu’une boîte comme Asmodée existe et a des tuyaux qui vont dans tous les pays du monde. On bénéficie aujourd’hui de ce qu’on a fait ces dernières années.
Propos recueillis par David Burckle & Damien Coltice dans le local des Space Cowboys
Remerciements particuliers à Croc
Extrait Casus Belli n°12 Novembre - Décembre 2014
Remerciements particuliers à Croc
Extrait Casus Belli n°12 Novembre - Décembre 2014
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Certains peuples vouent un culte à l'argent au commerce, d'autres ne vivent que par la mécanique, d'autres encore se complaisent dans la conquête et la guerre. Croyez-moi, un marin au long cours aura l'occasion de voir bien des choses étranges au cours de ses voyages !
Hual Bouffeur d'Ecume
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Re: entretien avec...
Je vous propose une petite vidéo retraçant l'histoire de Casus Belli avec, comme commentateur éclairé, Mr Guiserix !
http://www.trictrac.tv/videos/people-guiserix-didier
http://www.trictrac.tv/videos/people-guiserix-didier
Invité- Invité
Re: entretien avec...
Voici une ancienne interview glanée sur Casus NO. Ceux qui vont sur ce forum et qui en plus apprécie Rêve de Dragon l'ont donc peut-être déjà lu !
Le débat sur la place des règles, le bruit des dés derrière l'écran, la bûchette négociée à coup de bons mots ou de moyens plus inavouables ("Haribo c'est beau la vie !") : ce développement apporte
un point de vue tranché, mais pas inintéressant ! On peut passer les exemples tirés de RDD si le jeux laisse indifférent, le fond n'en reste pas moins bien intéressant !
Par contre, pas moyen de retrouver la bonne référence pour dater l'article. Une voix venue de loin, en quelque sorte...
Comme cela parle beaucoup de RDD, peut-être faudrait-il déplacer ce post : je laisse notre Bon Maître en décider !
« Gardien » et non pas « maître »
" Le jeu de rôle est un jeu de simulation. Or avec quoi simule-t-on ? Avec des règles et un meneur de jeu. Plus ces dernières sont nombreuses, et plus le travail du MJ se résume à les appliquer, moins elles le sont et plus sa responsabilité augmente. On pourrait imaginer un jeu de rôle sans aucune règle du tout, où le MJ ferait ce qu’il voudrait. A juste titre, alors, pourrait-on l’appeler Maître. Ce n’est pas le cas de Rêve de Dragon.
Pourquoi ? Parce que m’a toujours paru suspect ce titre de « maître » qui tend à faire de celui qui est caché derrière le paravent un petit chef tout puissant, et des esclaves soumis ceux qui sont de l’autre côté. C’est parce que j’ai souvent eu ce sentiment en tant que joueur que j’ai créé Rêve de Dragon tel qu’il est : un jeu aux règles nombreuses, un système qui tente d’apporter une réponse à tous les problèmes que le cours de l’action peut soulever, où tout soit écrit. C’est à mon avis un gage de respect envers les joueurs. Ce n’est pas parce que le jeu de rôle est un jeu « libre », par rapport aux jeux de plateau, qu’il ne doit pas être aussi rigoureux, qu’il doit être un délire ponctué des décisions arbitraires d’un soi-disant « maître ». Certes, j’applaudis au courant actuel des jeux qui prônent une simplification des règles au profit d’une responsabilité accrue du MJ, mais je me demande s’ils n’ont pas la naïveté de supposer a priori que tous les meneurs de jeu sont par définition excellents.
Avec Rêve de Dragon, j’ai voulu créer un ensemble de règles qui fonctionne comme une mécanique avec ses rouages. Dès lors, le travail du Gardien des Rêves consiste à mettre la machine en marche, à veiller à ce qu’elle ne se dérègle pas en cours de route, à pousser les leviers au bon moment, et l’alimenter en combustible, c’est-à-dire en jeu de rôle. L’improvisation, quand elle doit avoir lieu, se situe au niveau du scénario, et non pas au niveau de la simulation.
Pour débuter
Le problème, c’est que la profusion des règles intimide parfois le débutant. Est-ce un vrai ou un faux problème ? Ce n’est pas à moi d’y répondre. Les règles sont nombreuses — je viens d’expliquer pourquoi —, et je ne pense pas qu’elles soient compliquées. Quoi qu’il en soit, il est toujours possible de simplifier pour débuter. En reprenant l’exemple de la mécanique, certains rouages sont fondamentaux et ne sauraient être supprimés; d’autres sont plus accessoires et ne sont là que pour donner plus de vie à l’automate. Ainsi, on peut négliger au départ :
— l’encombrement, la vitesse,
— les facteurs de résistance et de temps (F.R. et F.T.),
— la sustentation,
— le moral,
— l’astrologie et ses modificateurs aux jets de Chance.
Il est même possible de débuter avec des scénarios simples sans aucune magie. Dans bien des cas, la magie apporte un « plus » aux personnages des joueurs, mais bien des scénarios peuvent être résolus sans elle.
Une fois cela supprimé, il reste le principal, la base de tout le système : les jets de caractéristique par rapport à une compétence et une difficulté, résolus sur la table unique.
La base
Le jeu fonctionne avec caractéristiques et compétences, mais tous les jets de dés d’action sont des jets de caractéristique. La compétence n’intervient que comme un modificateur et n’est jamais utilisée seule. Ce qu’il est important de comprendre dans Rêve de Dragon, c’est que les niveaux de compétence ne signifient rien en eux-mêmes. Le véritable « niveau de compétence d’un personnage face à une entreprise quelconque est toujours un rapport entre la caractéristique utilisée (Force, Agilité, etc.) et la compétence (Saut, Escalade, etc.). Les niveaux de compétence proprement dits doivent un peu se comprendre comme des diplômes. Prenons deux étudiants en troisième année d’Histoire, par exemple ; seront-ils exactement aussi compétents l’un que l’autre ? Non, il y a gros à parier que, toutes proportions gardées, l’un des deux sera plus ou moins doué que son voisin, Il en est de même de deux personnages ayant tous les deux +3 en Légendes. Celui qui a 15 en intellect restera supérieur à celui qui n’a que 10.
Les difficultés
La table unique de résolution sert à obtenir un pourcentage qui, une fois déterminé, est joué classiquement avec 1d100. Le pourcentage indiqué est toujours un multiple de la caractéristique utilisée (caractéristique multipliée par 1; par 1,5 ; par 2 ; par 2,5 ; etc., par incrément de 0,5). Le niveau de compétence est ajouté algébriquement à un niveau de difficulté pour déterminer le multiplicateur à utiliser. De ce fait le niveau de difficulté est capital. Avec une faible difficulté, le multiplicateur est haut et les fortes caractéristiques sont favorisées. Avec un multiplicateur de 7 par exemple (difficulté +4), 15 en caractéristique donnera 105% de chances de réussite, tandis qu’une caractéristique de 6 n’aura que 42 %. En revanche, les grandes difficultés (bas multiplicateurs) nivellent les chances de réussite. Avec un multiplicateur de 0,5 (difficulté -9), 15 obtiendra 7 % et 6 obtiendra 3 %. Certes, les chances de réussite varient du simple au double, mais les chances d’échec sont quasiment les mêmes:
93 % et 97 %. Ceci sert à illustrer le fait que face à une difficulté écrasante, les plus faibles comme les plus forts se retrouvent au même niveau d’impuissance, tandis que confrontés à une relative facilité les plus forts l’emportent aisément
Le choix
La question qui se pose régulièrement au Gardien des Rêves face à une entreprise donnée, est : quelle difficulté choisir ? En général. les scénarios publiés résolvent ce choix pour les cas importants. Mais il reste tous les cas d’improvisation lorsque les personnages dévient du scénario. Là encore intervient l’apparente profusion des règles. La majeure partie du Livre I n’est pas autre chose que la réponse à cette question pour les cas les plus fréquents (Saut, Escalade, Combat, Soins, etc.). Et les règles additionnelles publiées au fil des Miroirs des Terres Médianes ne sont pas non plus autre chose que des réponses à cette même question. Mais l’ensemble se trouve en fait résumé dans une table minuscule, une classique table des difficultés, allant de « routine » à« difficulté chimérique » en passant par « assez facile », « moyen », « malaisé » etc., et indiquant à chaque fois, sous forme de modificateur, l’ajustement à utiliser. Prises à leur plus simple expression, les règles peuvent se résumer à cette table et l’on n’a pas besoin d’autre chose
Difficulté moyenne
Pour bien utiliser la table des difficultés, il faut d’abord comprendre ce que représente une difficulté dite moyenne, autrement dit une difficulté zéro. Le mot moyen est pris dans son sens arithmétique. Les caractéristiques allant de 6 à 15,10 est une caractéristique moyenne (tout étant arrondi à l’inférieur). Une difficulté moyenne est celle qui donne une chance sur deux à une caractéristique moyenne (10). En effet, le multiplicateur correspondant à la difficulté zéro est 5, et 5 x 10 = 50. On voit donc que pour une caractéristique moyenne, la difficulté zéro donne autant de chances de réussite que d’échec. Le Gardien des Rêves doit toujours garder cela présent à l’esprit lorsqu’il évalue les difficultés.
Compétence moyenne
Tout comme la difficulté, la compétence moyenne est de niveau zéro. C’est dire qu’elle ne retire ni n’ajoute rien à la difficulté. Quand le Gardien des Rêves demande par exemple de faire un jet d’Agilité/Escalade, difficulté zéro, il doit se souvenir que cela correspond à une chance sur deux (pile ou face) pour une Agilité moyenne (10) et une compétence moyenne (0). Autrement dit, rien d’assuré. Mais bien des personnages n’ont même pas développé la compétence Escalade, et quelle que soit leur Agilité, leurs chances seront dès lors inférieures à 50%. En revanche, un personnage avec une Agilité moyenne et un niveau + 3 en compétence aura 65 % qui peuvent monter jusqu’à 97 % s’il a 15 en Agilité.
L’évaluation des difficultés n’est pas une mince affaire. C’est là que repose tout l’art du Gardien des Rêves, et c’est à mon sens la seule vraie difficulté du jeu. Mais encore une fois, l’apparente profusion des règles est là pour proposer des exemples dans un grand nombre de cas. Un Gardien des Rêves débutant aura intérêt à suivre scrupuleusement ces tables et ces exemples; puis quand il se sera intimement familiarisé avec le principe, il pourra se contenter pour mémoire de la simple table des difficultés; et il réalisera que les rouages de la mécanique tournent bien plus aisément qu’il ne l’aurait cru possible.
Restreindre les jets de dés
Le grand choix de caractéristiques et de compétences et la possibilité de les combiner font qu’il est possible de tirer des jets de dés pour virtuellement n’importe quoi. Par exemple Vue/Equitation pour apprécier la qualité d’un cheval, Intellect/Equitation pour déterminer sa race, Agilité/Equitation pour le monter, Eloquence/Equitation pour le calmer par la voix, Ouïe/Equitation pour reconnaître son hennissement parmi d’autres, et ainsi de suite, parfois jusqu’à l’absurde. Bien souvent, la tentation est grande. Or il est évident que trop de jets de dés brisent la fluidité du jeu de rôle. Face à cela il n’y a qu’une chose à dire : ne pas multiplier inutilement les jets de dés. Ne les faire tirer que lorsqu’il y a un doute réel sur l’issue de l’entreprise. Et dans bien des cas, à partir du moment où un personnage possède une caractéristique ou une compétence à un degré suffisant, le jet de dés devient même inutile. Ne le faire tirer que si la caractéristique ou la compétence sont sous-développées (caractéristique inférieure à 10 ou compétence inférieure à 0). Dans l’exemple de l’Equitation, si le personnage possède au moins un niveau moyen (0), inutile de lui faire tirer un jet d’Équitation chaque fois qu’il met le pied à l’étrier.
La magie
Rêve de Dragon est un jeu pour les magiciens. C’est sa qualité et son défaut. Sa qualité parce que ceux qui aiment jouer des magiciens peuvent y faire réellement leur magie et non pas se contenter de dire : « je lance un sort... ».
Ils ont toute une stratégie à développer non pas tant face à leurs cibles que face à leur art lui-même, art rétif qui ne demande qu’à leur jouer des tours. Défaut, parce que lancer un sort prend parfois une ou deux minutes de temps réel, et les non-magiciens ont pendant ce temps l’impression que seuls les hauts-rêvants s’amusent.
Pratiquement, l’action de lancer un sort se résout exactement de la même façon que n’importe quelle autre action une caractéristique (le Rêve), une compétence (l’une des 4 voies de magie), une difficulté (celle du sort), et par rapport à tout cela, un pourcentage de succès sur la table unique de résolution.
Ce qui déroute, c’est la carte des Terres Médianes. On aurait pu s’en passer. Mais pourquoi les combattants auraient-ils droit à de multiples options dans l’exercice de leur art : attaques, parades, feintes, esquives, etc., ce qui existe dans de nombreux autres jeux, et pourquoi les magiciens devraient-ils se contenter d’un bête pourcentage (quand bien même celui-ci serait obtenu après une demi-heure de calculs) ? La carte des Terres Médianes représente tout le périple mental qu’un magicien doit effectuer avant de pouvoir lancer un sort. Tout ne se passe que dans sa tête, mais pour effectuer ledit périple, il n’en a pas moins des choix à faire : l’option d’une stratégie plus ou moins payante, des dangers à affronter —dangers purement mentaux, mais dangers quand même. Il m’a semblé plus récréatif d’imager ce périple et ces dangers par un mini-voyage sur une sorte de plateau de jeu plutôt que par une liste de modificateurs et de formules abstraites.
De fait, la magie est un ensemble de rouages qui ne peut être altéré. Soit on l’utilise dans son intégralité, soit on s’en passe — ce qui est tout fait possible. Mais s’il est peu recommandé qu’un joueur débutant interprète un magicien, le temps qu’il se familiarise avec les principes du jeu, il n’y a aucun inconvénient à ce qu’ensuite tous les personnages soient des magiciens. Tous seront alors sur un pied d’égalité. La magie est un plus et son usage n’entraîne aucune restriction. Les magiciens peuvent avoir les mêmes compétences que les autres, y compris les compétences de combat. Les règles prévoient moins de points d’expérience préliminaires pour eux dans les compétences physiques, mais à partir du moment où une campagne débuterait avec uniquement des magiciens, ce nombre de points pourrait être augmenté sans inconvénient.
Heure par heure
A cause des sorts qui durent jusqu’à la fin d’une certaine heure (de naissance, celle du magicien ou de sa cible), à cause des récupérations d’endurance et de rêve, du temps passé à étudier des parchemins, il est recommandé de jouer heure par heure. Pour cette raison, la journée a été divisée en 12 heures de 120’ (et non 24 de 60’) pour accélérer un peu le processus. Même s’il ne se passe rien pendant plusieurs heures, comme lorsque les personnages marchent sur une route, il est bon de les faire défiler une à une et de ne passer à la suivante que lorsque tout a été résolu (expiration d’un sort, récupération, etc.). Le jeu y gagne en clarté.
La santé mentale
Quoiqu’il ne porte pas ce nom, Rêve de Dragon possède son système de santé mentale. Les Queues et Souffles de Dragon ne sont pas autre chose que des détériorations plus ou moins momentanées de ladite santé. Ce sont surtout les magiciens qui en font les frais, mais les autres ne sont pas pour autant à l’abri. Quoique cela ne soit pas explicitement mentionné dans les règles, face à une horreur particulièrement dérangeante, le Gardien des Rêves peut fort bien demander un jet de Rêve, avec une difficulté en rapport avec l’horreur, et le personnage ayant manqué ce jet peut recevoir une Queue de Dragon.
Les soins
Nombre de joueurs trouvent le chapitre traitant des soins un peu compliqué. Comme si l’on pouvait guérir facilement d’un coup de hache! En réalité, le problème se pose rarement car neuf fois sur dix, il y a une potion enchantée qui remet le blessé d’aplomb en quelques minutes. Quand la potion fait défaut, il faut avoir recours à la guérison naturelle, les herbes de soin pouvant être appliquées sous forme de cataplasmes. Sans entrer dans les détails, le jeu prévoit trois sortes de blessures: légères, graves et critiques. A ces blessures correspondent respectivement les ajustements 2, 4 et 6. Ce qui signifie que le premier soin d’une blessure légère est de difficulté -2, celui d’une grave de -4 et celui d’une critique de -6. Si l’on y met des herbes, il faudra 2 brins pour une légère, 4 pour une grave et 6 pour une critique. Et la blessure pourra commencer à guérir au bout de : 2 jours pour une légère, 4 pour une grave, et 6 pour une critique. C’est assez facile à retenir.
Les herbes ont quant à elles des bonus allant de 1 à 10. En réalité, le temps de guérison est de 2,4 ou 6 jours (selon la blessure), moins un nombre de jours égal au bonus de l’herbe, mais minimum 1 jour dans tous les cas.
Quand le nombre de jours est écoulé, faire un jet de Constitution ajusté négativement au nombre de points de Vie perdus (zéro si aucun point de Vie n’a été perdu) et positivement au bonus de l’herbe utilisée. En cas de réussite, la gravité rétrograde d’un stade (passe de critique à grave par exemple); et le même processus pourra être recommencé le lendemain. En cas d’échec, la blessure demeure ce qu’elle est : mais le jet pourra néanmoins être retenté le lendemain, puisque maintenant le temps minimum est écoulé. Et ainsi de suite, de jour en jour, jusqu’à ce que la blessure ait disparu, c’est dire rétrogradée au stade de contusion. Les herbes ne donnent leur bonus qu’une seule fois, c’est-à-dire qu’entre chaque jet, il faut changer le pansement et en remettre de nouvelles. Quand toutes les blessures ont été éliminées (= ont rétrogradé au stade de contusion), les points de Vie perdus peuvent commencer à être récupérés à leur tour selon le même processus. Chaque jour, faire un jet de Constitution ajusté au nombre de points perdus. En cas de réussite, on en regagne un : sinon, pas de changement. A ce stade, les herbes peuvent conférer leur bonus si elles sont bues en décoction (même non enchantée)
Le voyage
Tous les personnages de Rêve de Dragon sont censés être des voyageurs, des gens qui pratiquent le voyage pour lui-même, comme une fin en soi. Dès lors, imaginer un scénario de Rêve de Dragon est très facile : c’est un voyage, avec ses péripéties et ses rencontres. Bien souvent, il est inutile d’imaginer un scénario extravagant et compliqué pour aboutir au vécu d’une aventure intéressante. Les rouages de la mécanique sont tels qu’une fois le levier de départ enclenché, le jeu déroule tout seul. Bien souvent, le problème n’est pas de le faire marcher, mais de l’arrêter ou de redresser la direction quand on s’écarte du scénario originel. Encore qu’à mon avis, ce soit un faux problème. Peu importe le scénario originel, si le vécu actuel est tout aussi intéressant. Le prétexte de départ le plus futile peut déboucher sur les campagnes les plus ahurissantes. Supposons un « scénario » où, faute de temps ou d’imagination, le Gardien des Rêves n’ait rien prévu. Ce n’est pas gênant. Il commence classiquement. « Vous voyagez sur une petite route... bientôt un village.., une maison des voyageurs... ». Cela suffit. Le voyage a démarré. Les voyageurs feront le reste. Tout peut se produire. Par exemple, un des magiciens du groupe tente, le soir, de mettre un sort en réserve. Il fait un échec total et flanque le feu à l’auberge. Avec un minimum d’improvisation, on envisage la suite. Cependant, un autre magicien rêve mal. Une Queue de Dragon l’oblige à injurier le premier villageois venu ou à lui faire les poches, ou à tomber amoureux de la première passante rencontrée. Il est peu probable que cela s’obtienne sans heurt. Autant de péripéties qui naissent d’elles-mêmes et auxquelles il faut trouver une solution. Ce faisant, d’autres péripéties naîtront spontanément, comme autant de roues dentées entraînant d’autres rouages.
Face à cela, la tâche du meneur de jeu consistera à surveiller le déroulement, à le garder, à faire en sorte que la mécanique ne s’enraie pas, que le rêve ne s’arrête jamais. Le rêve est un voyage, et la réciproque est vraie. Le seul maître dans l’histoire est le jeu de rôle lui-même."
Denis Gerfaud
Et pour vos réaction c'est par là : https://legion-celte.forumgratuit.org/t1066-reaction-a-un-entretien#11737
Le débat sur la place des règles, le bruit des dés derrière l'écran, la bûchette négociée à coup de bons mots ou de moyens plus inavouables ("Haribo c'est beau la vie !") : ce développement apporte
un point de vue tranché, mais pas inintéressant ! On peut passer les exemples tirés de RDD si le jeux laisse indifférent, le fond n'en reste pas moins bien intéressant !
Par contre, pas moyen de retrouver la bonne référence pour dater l'article. Une voix venue de loin, en quelque sorte...
Comme cela parle beaucoup de RDD, peut-être faudrait-il déplacer ce post : je laisse notre Bon Maître en décider !
« Gardien » et non pas « maître »
" Le jeu de rôle est un jeu de simulation. Or avec quoi simule-t-on ? Avec des règles et un meneur de jeu. Plus ces dernières sont nombreuses, et plus le travail du MJ se résume à les appliquer, moins elles le sont et plus sa responsabilité augmente. On pourrait imaginer un jeu de rôle sans aucune règle du tout, où le MJ ferait ce qu’il voudrait. A juste titre, alors, pourrait-on l’appeler Maître. Ce n’est pas le cas de Rêve de Dragon.
Pourquoi ? Parce que m’a toujours paru suspect ce titre de « maître » qui tend à faire de celui qui est caché derrière le paravent un petit chef tout puissant, et des esclaves soumis ceux qui sont de l’autre côté. C’est parce que j’ai souvent eu ce sentiment en tant que joueur que j’ai créé Rêve de Dragon tel qu’il est : un jeu aux règles nombreuses, un système qui tente d’apporter une réponse à tous les problèmes que le cours de l’action peut soulever, où tout soit écrit. C’est à mon avis un gage de respect envers les joueurs. Ce n’est pas parce que le jeu de rôle est un jeu « libre », par rapport aux jeux de plateau, qu’il ne doit pas être aussi rigoureux, qu’il doit être un délire ponctué des décisions arbitraires d’un soi-disant « maître ». Certes, j’applaudis au courant actuel des jeux qui prônent une simplification des règles au profit d’une responsabilité accrue du MJ, mais je me demande s’ils n’ont pas la naïveté de supposer a priori que tous les meneurs de jeu sont par définition excellents.
Avec Rêve de Dragon, j’ai voulu créer un ensemble de règles qui fonctionne comme une mécanique avec ses rouages. Dès lors, le travail du Gardien des Rêves consiste à mettre la machine en marche, à veiller à ce qu’elle ne se dérègle pas en cours de route, à pousser les leviers au bon moment, et l’alimenter en combustible, c’est-à-dire en jeu de rôle. L’improvisation, quand elle doit avoir lieu, se situe au niveau du scénario, et non pas au niveau de la simulation.
Pour débuter
Le problème, c’est que la profusion des règles intimide parfois le débutant. Est-ce un vrai ou un faux problème ? Ce n’est pas à moi d’y répondre. Les règles sont nombreuses — je viens d’expliquer pourquoi —, et je ne pense pas qu’elles soient compliquées. Quoi qu’il en soit, il est toujours possible de simplifier pour débuter. En reprenant l’exemple de la mécanique, certains rouages sont fondamentaux et ne sauraient être supprimés; d’autres sont plus accessoires et ne sont là que pour donner plus de vie à l’automate. Ainsi, on peut négliger au départ :
— l’encombrement, la vitesse,
— les facteurs de résistance et de temps (F.R. et F.T.),
— la sustentation,
— le moral,
— l’astrologie et ses modificateurs aux jets de Chance.
Il est même possible de débuter avec des scénarios simples sans aucune magie. Dans bien des cas, la magie apporte un « plus » aux personnages des joueurs, mais bien des scénarios peuvent être résolus sans elle.
Une fois cela supprimé, il reste le principal, la base de tout le système : les jets de caractéristique par rapport à une compétence et une difficulté, résolus sur la table unique.
La base
Le jeu fonctionne avec caractéristiques et compétences, mais tous les jets de dés d’action sont des jets de caractéristique. La compétence n’intervient que comme un modificateur et n’est jamais utilisée seule. Ce qu’il est important de comprendre dans Rêve de Dragon, c’est que les niveaux de compétence ne signifient rien en eux-mêmes. Le véritable « niveau de compétence d’un personnage face à une entreprise quelconque est toujours un rapport entre la caractéristique utilisée (Force, Agilité, etc.) et la compétence (Saut, Escalade, etc.). Les niveaux de compétence proprement dits doivent un peu se comprendre comme des diplômes. Prenons deux étudiants en troisième année d’Histoire, par exemple ; seront-ils exactement aussi compétents l’un que l’autre ? Non, il y a gros à parier que, toutes proportions gardées, l’un des deux sera plus ou moins doué que son voisin, Il en est de même de deux personnages ayant tous les deux +3 en Légendes. Celui qui a 15 en intellect restera supérieur à celui qui n’a que 10.
Les difficultés
La table unique de résolution sert à obtenir un pourcentage qui, une fois déterminé, est joué classiquement avec 1d100. Le pourcentage indiqué est toujours un multiple de la caractéristique utilisée (caractéristique multipliée par 1; par 1,5 ; par 2 ; par 2,5 ; etc., par incrément de 0,5). Le niveau de compétence est ajouté algébriquement à un niveau de difficulté pour déterminer le multiplicateur à utiliser. De ce fait le niveau de difficulté est capital. Avec une faible difficulté, le multiplicateur est haut et les fortes caractéristiques sont favorisées. Avec un multiplicateur de 7 par exemple (difficulté +4), 15 en caractéristique donnera 105% de chances de réussite, tandis qu’une caractéristique de 6 n’aura que 42 %. En revanche, les grandes difficultés (bas multiplicateurs) nivellent les chances de réussite. Avec un multiplicateur de 0,5 (difficulté -9), 15 obtiendra 7 % et 6 obtiendra 3 %. Certes, les chances de réussite varient du simple au double, mais les chances d’échec sont quasiment les mêmes:
93 % et 97 %. Ceci sert à illustrer le fait que face à une difficulté écrasante, les plus faibles comme les plus forts se retrouvent au même niveau d’impuissance, tandis que confrontés à une relative facilité les plus forts l’emportent aisément
Le choix
La question qui se pose régulièrement au Gardien des Rêves face à une entreprise donnée, est : quelle difficulté choisir ? En général. les scénarios publiés résolvent ce choix pour les cas importants. Mais il reste tous les cas d’improvisation lorsque les personnages dévient du scénario. Là encore intervient l’apparente profusion des règles. La majeure partie du Livre I n’est pas autre chose que la réponse à cette question pour les cas les plus fréquents (Saut, Escalade, Combat, Soins, etc.). Et les règles additionnelles publiées au fil des Miroirs des Terres Médianes ne sont pas non plus autre chose que des réponses à cette même question. Mais l’ensemble se trouve en fait résumé dans une table minuscule, une classique table des difficultés, allant de « routine » à« difficulté chimérique » en passant par « assez facile », « moyen », « malaisé » etc., et indiquant à chaque fois, sous forme de modificateur, l’ajustement à utiliser. Prises à leur plus simple expression, les règles peuvent se résumer à cette table et l’on n’a pas besoin d’autre chose
Difficulté moyenne
Pour bien utiliser la table des difficultés, il faut d’abord comprendre ce que représente une difficulté dite moyenne, autrement dit une difficulté zéro. Le mot moyen est pris dans son sens arithmétique. Les caractéristiques allant de 6 à 15,10 est une caractéristique moyenne (tout étant arrondi à l’inférieur). Une difficulté moyenne est celle qui donne une chance sur deux à une caractéristique moyenne (10). En effet, le multiplicateur correspondant à la difficulté zéro est 5, et 5 x 10 = 50. On voit donc que pour une caractéristique moyenne, la difficulté zéro donne autant de chances de réussite que d’échec. Le Gardien des Rêves doit toujours garder cela présent à l’esprit lorsqu’il évalue les difficultés.
Compétence moyenne
Tout comme la difficulté, la compétence moyenne est de niveau zéro. C’est dire qu’elle ne retire ni n’ajoute rien à la difficulté. Quand le Gardien des Rêves demande par exemple de faire un jet d’Agilité/Escalade, difficulté zéro, il doit se souvenir que cela correspond à une chance sur deux (pile ou face) pour une Agilité moyenne (10) et une compétence moyenne (0). Autrement dit, rien d’assuré. Mais bien des personnages n’ont même pas développé la compétence Escalade, et quelle que soit leur Agilité, leurs chances seront dès lors inférieures à 50%. En revanche, un personnage avec une Agilité moyenne et un niveau + 3 en compétence aura 65 % qui peuvent monter jusqu’à 97 % s’il a 15 en Agilité.
L’évaluation des difficultés n’est pas une mince affaire. C’est là que repose tout l’art du Gardien des Rêves, et c’est à mon sens la seule vraie difficulté du jeu. Mais encore une fois, l’apparente profusion des règles est là pour proposer des exemples dans un grand nombre de cas. Un Gardien des Rêves débutant aura intérêt à suivre scrupuleusement ces tables et ces exemples; puis quand il se sera intimement familiarisé avec le principe, il pourra se contenter pour mémoire de la simple table des difficultés; et il réalisera que les rouages de la mécanique tournent bien plus aisément qu’il ne l’aurait cru possible.
Restreindre les jets de dés
Le grand choix de caractéristiques et de compétences et la possibilité de les combiner font qu’il est possible de tirer des jets de dés pour virtuellement n’importe quoi. Par exemple Vue/Equitation pour apprécier la qualité d’un cheval, Intellect/Equitation pour déterminer sa race, Agilité/Equitation pour le monter, Eloquence/Equitation pour le calmer par la voix, Ouïe/Equitation pour reconnaître son hennissement parmi d’autres, et ainsi de suite, parfois jusqu’à l’absurde. Bien souvent, la tentation est grande. Or il est évident que trop de jets de dés brisent la fluidité du jeu de rôle. Face à cela il n’y a qu’une chose à dire : ne pas multiplier inutilement les jets de dés. Ne les faire tirer que lorsqu’il y a un doute réel sur l’issue de l’entreprise. Et dans bien des cas, à partir du moment où un personnage possède une caractéristique ou une compétence à un degré suffisant, le jet de dés devient même inutile. Ne le faire tirer que si la caractéristique ou la compétence sont sous-développées (caractéristique inférieure à 10 ou compétence inférieure à 0). Dans l’exemple de l’Equitation, si le personnage possède au moins un niveau moyen (0), inutile de lui faire tirer un jet d’Équitation chaque fois qu’il met le pied à l’étrier.
La magie
Rêve de Dragon est un jeu pour les magiciens. C’est sa qualité et son défaut. Sa qualité parce que ceux qui aiment jouer des magiciens peuvent y faire réellement leur magie et non pas se contenter de dire : « je lance un sort... ».
Ils ont toute une stratégie à développer non pas tant face à leurs cibles que face à leur art lui-même, art rétif qui ne demande qu’à leur jouer des tours. Défaut, parce que lancer un sort prend parfois une ou deux minutes de temps réel, et les non-magiciens ont pendant ce temps l’impression que seuls les hauts-rêvants s’amusent.
Pratiquement, l’action de lancer un sort se résout exactement de la même façon que n’importe quelle autre action une caractéristique (le Rêve), une compétence (l’une des 4 voies de magie), une difficulté (celle du sort), et par rapport à tout cela, un pourcentage de succès sur la table unique de résolution.
Ce qui déroute, c’est la carte des Terres Médianes. On aurait pu s’en passer. Mais pourquoi les combattants auraient-ils droit à de multiples options dans l’exercice de leur art : attaques, parades, feintes, esquives, etc., ce qui existe dans de nombreux autres jeux, et pourquoi les magiciens devraient-ils se contenter d’un bête pourcentage (quand bien même celui-ci serait obtenu après une demi-heure de calculs) ? La carte des Terres Médianes représente tout le périple mental qu’un magicien doit effectuer avant de pouvoir lancer un sort. Tout ne se passe que dans sa tête, mais pour effectuer ledit périple, il n’en a pas moins des choix à faire : l’option d’une stratégie plus ou moins payante, des dangers à affronter —dangers purement mentaux, mais dangers quand même. Il m’a semblé plus récréatif d’imager ce périple et ces dangers par un mini-voyage sur une sorte de plateau de jeu plutôt que par une liste de modificateurs et de formules abstraites.
De fait, la magie est un ensemble de rouages qui ne peut être altéré. Soit on l’utilise dans son intégralité, soit on s’en passe — ce qui est tout fait possible. Mais s’il est peu recommandé qu’un joueur débutant interprète un magicien, le temps qu’il se familiarise avec les principes du jeu, il n’y a aucun inconvénient à ce qu’ensuite tous les personnages soient des magiciens. Tous seront alors sur un pied d’égalité. La magie est un plus et son usage n’entraîne aucune restriction. Les magiciens peuvent avoir les mêmes compétences que les autres, y compris les compétences de combat. Les règles prévoient moins de points d’expérience préliminaires pour eux dans les compétences physiques, mais à partir du moment où une campagne débuterait avec uniquement des magiciens, ce nombre de points pourrait être augmenté sans inconvénient.
Heure par heure
A cause des sorts qui durent jusqu’à la fin d’une certaine heure (de naissance, celle du magicien ou de sa cible), à cause des récupérations d’endurance et de rêve, du temps passé à étudier des parchemins, il est recommandé de jouer heure par heure. Pour cette raison, la journée a été divisée en 12 heures de 120’ (et non 24 de 60’) pour accélérer un peu le processus. Même s’il ne se passe rien pendant plusieurs heures, comme lorsque les personnages marchent sur une route, il est bon de les faire défiler une à une et de ne passer à la suivante que lorsque tout a été résolu (expiration d’un sort, récupération, etc.). Le jeu y gagne en clarté.
La santé mentale
Quoiqu’il ne porte pas ce nom, Rêve de Dragon possède son système de santé mentale. Les Queues et Souffles de Dragon ne sont pas autre chose que des détériorations plus ou moins momentanées de ladite santé. Ce sont surtout les magiciens qui en font les frais, mais les autres ne sont pas pour autant à l’abri. Quoique cela ne soit pas explicitement mentionné dans les règles, face à une horreur particulièrement dérangeante, le Gardien des Rêves peut fort bien demander un jet de Rêve, avec une difficulté en rapport avec l’horreur, et le personnage ayant manqué ce jet peut recevoir une Queue de Dragon.
Les soins
Nombre de joueurs trouvent le chapitre traitant des soins un peu compliqué. Comme si l’on pouvait guérir facilement d’un coup de hache! En réalité, le problème se pose rarement car neuf fois sur dix, il y a une potion enchantée qui remet le blessé d’aplomb en quelques minutes. Quand la potion fait défaut, il faut avoir recours à la guérison naturelle, les herbes de soin pouvant être appliquées sous forme de cataplasmes. Sans entrer dans les détails, le jeu prévoit trois sortes de blessures: légères, graves et critiques. A ces blessures correspondent respectivement les ajustements 2, 4 et 6. Ce qui signifie que le premier soin d’une blessure légère est de difficulté -2, celui d’une grave de -4 et celui d’une critique de -6. Si l’on y met des herbes, il faudra 2 brins pour une légère, 4 pour une grave et 6 pour une critique. Et la blessure pourra commencer à guérir au bout de : 2 jours pour une légère, 4 pour une grave, et 6 pour une critique. C’est assez facile à retenir.
Les herbes ont quant à elles des bonus allant de 1 à 10. En réalité, le temps de guérison est de 2,4 ou 6 jours (selon la blessure), moins un nombre de jours égal au bonus de l’herbe, mais minimum 1 jour dans tous les cas.
Quand le nombre de jours est écoulé, faire un jet de Constitution ajusté négativement au nombre de points de Vie perdus (zéro si aucun point de Vie n’a été perdu) et positivement au bonus de l’herbe utilisée. En cas de réussite, la gravité rétrograde d’un stade (passe de critique à grave par exemple); et le même processus pourra être recommencé le lendemain. En cas d’échec, la blessure demeure ce qu’elle est : mais le jet pourra néanmoins être retenté le lendemain, puisque maintenant le temps minimum est écoulé. Et ainsi de suite, de jour en jour, jusqu’à ce que la blessure ait disparu, c’est dire rétrogradée au stade de contusion. Les herbes ne donnent leur bonus qu’une seule fois, c’est-à-dire qu’entre chaque jet, il faut changer le pansement et en remettre de nouvelles. Quand toutes les blessures ont été éliminées (= ont rétrogradé au stade de contusion), les points de Vie perdus peuvent commencer à être récupérés à leur tour selon le même processus. Chaque jour, faire un jet de Constitution ajusté au nombre de points perdus. En cas de réussite, on en regagne un : sinon, pas de changement. A ce stade, les herbes peuvent conférer leur bonus si elles sont bues en décoction (même non enchantée)
Le voyage
Tous les personnages de Rêve de Dragon sont censés être des voyageurs, des gens qui pratiquent le voyage pour lui-même, comme une fin en soi. Dès lors, imaginer un scénario de Rêve de Dragon est très facile : c’est un voyage, avec ses péripéties et ses rencontres. Bien souvent, il est inutile d’imaginer un scénario extravagant et compliqué pour aboutir au vécu d’une aventure intéressante. Les rouages de la mécanique sont tels qu’une fois le levier de départ enclenché, le jeu déroule tout seul. Bien souvent, le problème n’est pas de le faire marcher, mais de l’arrêter ou de redresser la direction quand on s’écarte du scénario originel. Encore qu’à mon avis, ce soit un faux problème. Peu importe le scénario originel, si le vécu actuel est tout aussi intéressant. Le prétexte de départ le plus futile peut déboucher sur les campagnes les plus ahurissantes. Supposons un « scénario » où, faute de temps ou d’imagination, le Gardien des Rêves n’ait rien prévu. Ce n’est pas gênant. Il commence classiquement. « Vous voyagez sur une petite route... bientôt un village.., une maison des voyageurs... ». Cela suffit. Le voyage a démarré. Les voyageurs feront le reste. Tout peut se produire. Par exemple, un des magiciens du groupe tente, le soir, de mettre un sort en réserve. Il fait un échec total et flanque le feu à l’auberge. Avec un minimum d’improvisation, on envisage la suite. Cependant, un autre magicien rêve mal. Une Queue de Dragon l’oblige à injurier le premier villageois venu ou à lui faire les poches, ou à tomber amoureux de la première passante rencontrée. Il est peu probable que cela s’obtienne sans heurt. Autant de péripéties qui naissent d’elles-mêmes et auxquelles il faut trouver une solution. Ce faisant, d’autres péripéties naîtront spontanément, comme autant de roues dentées entraînant d’autres rouages.
Face à cela, la tâche du meneur de jeu consistera à surveiller le déroulement, à le garder, à faire en sorte que la mécanique ne s’enraie pas, que le rêve ne s’arrête jamais. Le rêve est un voyage, et la réciproque est vraie. Le seul maître dans l’histoire est le jeu de rôle lui-même."
Denis Gerfaud
Et pour vos réaction c'est par là : https://legion-celte.forumgratuit.org/t1066-reaction-a-un-entretien#11737
Invité- Invité
Re: entretien avec...
JOHAN SCIPION - Auteur, éditeur, animateur
« Chaque partie est un film d’horreur imaginaire »
avant Sombre, Johan a été pigiste pour Casus v2, Backstab mais aussi Lotus Noir. Il est également crédité pour des contributions dans les JdR Dark Earth, La caste des métabarons et Vermine. Aujourd’hui, son activité dans le JdR se limite à Sombre.
Afin de nous parler de Sombre, la Rédaction de Casus a réussi à mettre la main sur son auteur, Johan Scipion. Il se livre sans retenue de ce jeu d’horreur atypique entre deux déplacements en convention.
« Chaque partie est un film d’horreur imaginaire »
avant Sombre, Johan a été pigiste pour Casus v2, Backstab mais aussi Lotus Noir. Il est également crédité pour des contributions dans les JdR Dark Earth, La caste des métabarons et Vermine. Aujourd’hui, son activité dans le JdR se limite à Sombre.
Afin de nous parler de Sombre, la Rédaction de Casus a réussi à mettre la main sur son auteur, Johan Scipion. Il se livre sans retenue de ce jeu d’horreur atypique entre deux déplacements en convention.
Sombre est un jeu d’horreur minimaliste pour jouer « l’horreur comme au cinéma ». Pas d’univers dédié, mais des scénarios préparés aux petits oignons, testés avec amour et truffés de conseils pratiques pour en tirer le meilleur. Un vrai travail d’orfèvre. Car, oui, Johan Scipion est avant tout un artisan du JDR, le genre à remettre cent fois son ouvrage sur le métier afin de nous proposer ce qu’il y a de mieux. Mais le mieux placé, pour parler de Sombre, c’est son créateur. Si vous croisez ce grand homme tout de noir vêtu en convention, n’hésitez pas à le suivre pour qu’il vous fasse découvrir son jeu. Vous n’en sortirez pas indemne, mais ça vaudra le détour. Et gare à vous si vous le voyez faire du stop en pleine nuit au milieu de nulle part.
Casus Belli : En quoi Sombre se démarque-t-il des autres jeux d’horreur ?
Johan Scipion : Tu attaques fort, dis donc. Direct les pieds dans le plat. Mais, vue la situation de Sombre, nouvel entrant sur le tout petit segment de marché des jeux de rôle horrifiques, cette niche dans la niche dominée depuis des décennies par un indétrônable mastodonte, répondre à cette question revient à faire le concours de celui qui pisse le plus loin avec Cthulhu. Ce serait très con : y’a juste pas moyen de gagner contre le papi poulpe, il est trop fort. Et puis, je l’aime beaucoup. L’Appel est l’une de mes grandes références ludiques. Du coup, l’idée de le tacler par derrière me rebute pas mal. Après, la question est légitime. Quand on essaie de lui refourguer un baril d’une nouvelle lessive, la ménagère rôliste est en droit de s’attendre à ce qu’on lui explique pourquoi elle devrait en changer.
CB : Une partie de Sombre, ça ressemble à quoi ?
JS : Chaque partie de Sombre est un film d’horreur imaginaire, dans lequel les joueurs incarnent des victimes. Les règles sont simples, vraiment simples.
Tout le système, du roll under classique de chez classique mais ultra épuré, s’articule autour de deux jauges, Corps et Esprit. Elles servent à la fois de compétences et de réserves de points, respectivement de santé physique et mentale. La jauge d’Esprit est enrichie par une mécanique de Personnalités, des guides de roleplay évolutifs présentés sous forme de cartes. Le jeu en propose soixante-douze, chaque joueur en a trois, qu’il choisit à la création de son personnage. Elles représentent trois stades psychologiques. Par exemple prudent, méfiant, paranoïaque. Ou impulsif, téméraire, suicidaire. Ou encore docile, soumis, servile. À mesure qu’il perd des points d’Esprit, le PJ passe d’une phase à l’autre, c’est-à-dire d’une carte à l’autre. Sur chacune d’elles sont inscrites quelques lignes de conseils pour aider le joueur à roleplayer la phase dans laquelle il se trouve.
CB : Quel est l’univers du jeu ?
JS : Sombre n’a pas d’univers dédié. Chaque film d’horreur porte son propre setting. Chaque partie aussi. Le scénario-type est un survival horrifique et coopératif, souvent en huis clos. Le format standard est le one-shot, de quinze minutes pour mes démos les plus courtes à cinq ou six heures, parfois plus (mon record est douze), pour les séances longues. On peut bien sûr enchaîner les one-shots à la manière d’une franchise cinématographique. J’ai une campagne de ce type en cours à ma table. Le setting est persistant, les antagonistes récurrents, mais les protagonistes changent d’une séance à l’autre. Exactement comme dans Les Griffes de la nuit et ses séquelles.
CB : Quel forme prend le jeu ?
JS : Je publie le jeu sous forme de revue. Une collection de brochures de 72 pages au format A5, qu’on peut acheter sur mon site (terresetranges.net). J’en sors une par an à peu près et je travaille en ce moment sur la cinquième. Il s’agit en fait d’une gamme. Le premier numéro était un livre de base avec les règles, toutes les aides de jeu (dont les fameuses cartes de Personnalité) et un scénario de découverte à thème zombie apocalypse. Les suivants sont des suppléments. Ils contiennent des articles à destination du meneur, dans lesquels j’explique par exemple comment briefer les joueurs avant la partie, utiliser au mieux chaque Trait (Sombre propose une cinquantaine d’Avantages et de Désavantages), cadrer la création collective ou écrire de bons scénarios. Dans chaque numéro, il y a au moins un scénario prêt à jouer, parfois deux, toujours inspirés du cinéma. Massacre à la tronçonneuse, La Nuit des mortsvivants, Délivrance, Alien, Battle Royale et Cube font partie de mes références.
CB : Apparemment, Sombre se décline. Sombre zéro et Sombre max, qu’est-ce que tout ça ?
JS : Je développe en parallèle deux variantes. Sombre zéro, à laquelle je consacre un article dans le deuxième numéro de la revue, est une version ultra compacte et simplifiée, que j’utilise pour jouer en un quart d’heure dans des lieux a priori peu propices (des salons très bruyants et des bars, notamment) ou avec des publics qui ne connaissent rien ou pas grand-chose à notre hobby, des grands débutants ;j’initie à tour de bras, des enfants ou des personnes âgées. Sombre max, variante encore inédite mais dont le playtest est déjà bien avancé, permet de jouer de l’action horrifique façon Predator, Aliens, Vampires de Carpenter, Dog Soldiers ou les Terminator de Cameron. Je le publierai dans un futur numéro de la revue.
CB : Quelles sont les origines du jeu ?
JS : Au départ, il y a une vingtaine d'années, je menais Kult. J’en suis tombé amoureux dès sa sortie en France, au milieu des années 90. J’adore ce jeu. Tellement que je me suis efforcé d’y jouer by the book. Sans succès, malheureusement. Je ne suis jamais parvenu à faire tourner le système à ma table et n’ai pas non plus réussi à exploiter l’univers dans mes parties, ou seulement quelques minuscules bribes. Trop vaste, trop riche, trop complexe. J’essayais de jouer Kult dans les règles de l’art et je me suis retrouvé à l’accommoder à ma sauce : règles simplifiées et scénarios ressemblant furieusement à des films d’horreur. À force de bidouillages, j’ai fini par comprendre que j’étais en train de développer mon propre jeu. Deux décennies plus tard, j’y suis encore.
CB : Tu testes, tu re-testes, tu fais jouer partout à travers la France et audelà... D’où vient la motivation, après
toutes ces années ?
JS : Les trois P, plaisir, passion et professionnalisme. En premier lieu, Sombre m’éclate. Je prends un pied colossal à le développer, l’écrire, le mener. Ce n’est pas à toi que j’essaierai de faire croire que le boulot d’auteur triclassé animateur et éditeur n’est qu’une longue succession de bonheurs sucrés. Y’a plein de trucs chiants, voire très chiants. Mais, quand je mène, même si je viens de m’enquiller quinze par parties en deux jours, même si je suis tellement fatigué que je ne sais plus très bien ce que je raconte, même si c’est la trois-centième
fois que je déroule mon scénar - je n’exagère pas, j’ai vraiment mené certains de mes scénarios trois cent fois ! – eh ben je prends mon pied. C’est plus fort que moi, j’aime ce putain de jeu.
CB : Tu es éditeur aussi ?
JS : Auteur de Sombre est mon métier. Bon, j’en ai plein d’autres à côté. Je dirige une revue et une (minuscule) maison d’édition, j’assure des animations à droite et à gauche, j’écris des nouvelles aussi. Mais, quand je playteste, rédige ou promotionne Sombre, je bosse. Et je suis le genre de garçon qui aime travailler carré, voire carré de chez carré. Je veux bien faire, ce qui implique d’avoir à ma disposition des outils ludiques performants et adaptés. Quand ce n’est pas le cas, je m’empresse de les créer. Tu vois l’Annapurna face Nord ? Je t’assure que certaines de mes démonstrations y ressemblent furieusement, tu n’y vas pas en slip. Tu t’équipes parce tu sais que sinon tu vas te planter. Je ne veux pas une bonne règle, je veux la meilleure règle que je sois capable de produire, donc je la playteste le temps qu’il faut pour l’améliorer autant que je le peux. Je ne veux pas un bon scénario, je veux le meilleur scénario que je puisse écrire, donc je le teste et le reteste. Cinq fois, dix fois, trente fois, cent fois avant de les publier dans ma revue. Je suis exigeant parce que je veux être efficace. Quand tu enchaînes les démos comme je le fais, environ deux cents par an, bosser avec du matos moisi serait une monstrueuse galère.
CB : Le taux de mortalité parmi les PJ à Sombre est des plus élevés, et pourtant les joueurs en redemandent. Pourquoi?
JS : Parce que c›est fun. Jouer une victime horrifique est super cool. Ce sont des gens ordinaires confrontés à des événements qui les mettent très durement à l›épreuve, pas des moutons qu›on mène à l›abattoir. Un film dans lequel les teenagers attendraient bien sagement dans leur lit que le tueur à la machette vienne les massacrer n’aurait aucun intérêt. Les victimes horrifiques luttent âprement pour survivre. Elles se sortent grave les doigts, et c’est passionnant à jouer. Il faut être dynamique, réactif, proactif et savoir garder son sang-froid même quand les règles, le scénario, le meneur et les autres joueurs conspirent pour te mettre la pression. Et il arrive même parfois que tu réussisses à atteindre le générique de fin en un seul morceau, auquel cas tu te sens le roi du monde. La final girl est l’avenir de l’homme, c’est clair.
CB : Des projets autour de ton jeu se multiplient. Pourrais-tu nous les présenter rapidement ?
JS : Comme je te le disais, Sombre n’a pas d’univers dédié, mais cela n’empêche pas qu’il a trois univers officiels. Je ne suis pas à un paradoxe près. Il se trouve, mais c’est un hasard, qu’ils sont tous plus ou moins inspirés de Lovecraft. On ne l’a pas fait exprès, c’est juste que j’ai tendance à bien m’entendre avec les gens qui ont bon goût en matière de littérature horrifique. Millevaux (1) est l’oeuvre de Thomas Munier. C’est un univers post-apo, forestier et sludgecore, motorisé aujourd’hui par plusieurs systèmes, dont le mien. Le contexte est une Europe du futur revenue à la barbarie après qu’elle ait été recouverte par une forêt surnaturelle. Développé par Thierry Salaün, Cthulhu DDR croise le Mythe et la République démocratique allemande des années soixante. Lovecraft au pays du socialisme réel, vaste programme. Et j’ai moi aussi commis un univers lovecraftien. Il s’agit d’Extinction, dont j’ai publié le cadre général dans Sombre 2. L’idée est de jouer après le réveil de Cthulhu. Mad Max dans la flotte, avec des gros monstres marins super agressifs.
CB : Comment vois-tu l'avenir pour Sombre ?
JS : Radieux ! Je suis actuellement dans la dernière ligne droite de Sombre 5. Je vais y parler des quickshots, ces parties que j’improvise à partir d’un brainstorming initial des joueurs. Il y aura également un petit setting forestier, façon cabane au fond des bois, et un scénario pour Sombre zéro dans lequel on joue des jouets. J’espère qu’il sera paru, ou en bonne voie de l’être, lorsque tes lecteurs liront cette interview. Sinon, j’ai établi des pré-sommaires pour encore au moins cinq ou six numéros. Il y aura notamment un spécial Sombre zéro, qui sera comme un nouveau livre de base avec les règles intégrales de la variante, un guide maîtrise et plusieurs scénarios. Ce sera normalement pour Sombre 6. Je consacrerai aussi un numéro au genre slasher, et peut-être un autre à l’horreur gothique, sous-genre dont je suis particulièrement fan.
CB : D'autres projets dans ta besace ?
JS : En jeu de rôle, non. Sombre sera ma seule et unique création. Je sais que je n’ai pas d’autre jeu en moi. Tout ce que j’aime dans le hobby s’y trouve concentré. Par contre, comme je te le disais tout à l’heure, je suis également nouvelliste. J’ai publié une poignée de textes ces dernières années, principalement chez Malpertuis, Dreampress et Parchemins & Traverses. Je voudrais bien les réunir en un recueil, mais il faudrait que j’y ajoute quelques nouvelles inédites. Or Sombre m’accapare beaucoup, ce qui me laisse peu de temps pour la littérature. Mieux équilibrer ma production est ma bonne résolution de 2016.
Casus Belli : En quoi Sombre se démarque-t-il des autres jeux d’horreur ?
Johan Scipion : Tu attaques fort, dis donc. Direct les pieds dans le plat. Mais, vue la situation de Sombre, nouvel entrant sur le tout petit segment de marché des jeux de rôle horrifiques, cette niche dans la niche dominée depuis des décennies par un indétrônable mastodonte, répondre à cette question revient à faire le concours de celui qui pisse le plus loin avec Cthulhu. Ce serait très con : y’a juste pas moyen de gagner contre le papi poulpe, il est trop fort. Et puis, je l’aime beaucoup. L’Appel est l’une de mes grandes références ludiques. Du coup, l’idée de le tacler par derrière me rebute pas mal. Après, la question est légitime. Quand on essaie de lui refourguer un baril d’une nouvelle lessive, la ménagère rôliste est en droit de s’attendre à ce qu’on lui explique pourquoi elle devrait en changer.
CB : Une partie de Sombre, ça ressemble à quoi ?
JS : Chaque partie de Sombre est un film d’horreur imaginaire, dans lequel les joueurs incarnent des victimes. Les règles sont simples, vraiment simples.
Tout le système, du roll under classique de chez classique mais ultra épuré, s’articule autour de deux jauges, Corps et Esprit. Elles servent à la fois de compétences et de réserves de points, respectivement de santé physique et mentale. La jauge d’Esprit est enrichie par une mécanique de Personnalités, des guides de roleplay évolutifs présentés sous forme de cartes. Le jeu en propose soixante-douze, chaque joueur en a trois, qu’il choisit à la création de son personnage. Elles représentent trois stades psychologiques. Par exemple prudent, méfiant, paranoïaque. Ou impulsif, téméraire, suicidaire. Ou encore docile, soumis, servile. À mesure qu’il perd des points d’Esprit, le PJ passe d’une phase à l’autre, c’est-à-dire d’une carte à l’autre. Sur chacune d’elles sont inscrites quelques lignes de conseils pour aider le joueur à roleplayer la phase dans laquelle il se trouve.
CB : Quel est l’univers du jeu ?
JS : Sombre n’a pas d’univers dédié. Chaque film d’horreur porte son propre setting. Chaque partie aussi. Le scénario-type est un survival horrifique et coopératif, souvent en huis clos. Le format standard est le one-shot, de quinze minutes pour mes démos les plus courtes à cinq ou six heures, parfois plus (mon record est douze), pour les séances longues. On peut bien sûr enchaîner les one-shots à la manière d’une franchise cinématographique. J’ai une campagne de ce type en cours à ma table. Le setting est persistant, les antagonistes récurrents, mais les protagonistes changent d’une séance à l’autre. Exactement comme dans Les Griffes de la nuit et ses séquelles.
CB : Quel forme prend le jeu ?
JS : Je publie le jeu sous forme de revue. Une collection de brochures de 72 pages au format A5, qu’on peut acheter sur mon site (terresetranges.net). J’en sors une par an à peu près et je travaille en ce moment sur la cinquième. Il s’agit en fait d’une gamme. Le premier numéro était un livre de base avec les règles, toutes les aides de jeu (dont les fameuses cartes de Personnalité) et un scénario de découverte à thème zombie apocalypse. Les suivants sont des suppléments. Ils contiennent des articles à destination du meneur, dans lesquels j’explique par exemple comment briefer les joueurs avant la partie, utiliser au mieux chaque Trait (Sombre propose une cinquantaine d’Avantages et de Désavantages), cadrer la création collective ou écrire de bons scénarios. Dans chaque numéro, il y a au moins un scénario prêt à jouer, parfois deux, toujours inspirés du cinéma. Massacre à la tronçonneuse, La Nuit des mortsvivants, Délivrance, Alien, Battle Royale et Cube font partie de mes références.
CB : Apparemment, Sombre se décline. Sombre zéro et Sombre max, qu’est-ce que tout ça ?
JS : Je développe en parallèle deux variantes. Sombre zéro, à laquelle je consacre un article dans le deuxième numéro de la revue, est une version ultra compacte et simplifiée, que j’utilise pour jouer en un quart d’heure dans des lieux a priori peu propices (des salons très bruyants et des bars, notamment) ou avec des publics qui ne connaissent rien ou pas grand-chose à notre hobby, des grands débutants ;j’initie à tour de bras, des enfants ou des personnes âgées. Sombre max, variante encore inédite mais dont le playtest est déjà bien avancé, permet de jouer de l’action horrifique façon Predator, Aliens, Vampires de Carpenter, Dog Soldiers ou les Terminator de Cameron. Je le publierai dans un futur numéro de la revue.
CB : Quelles sont les origines du jeu ?
JS : Au départ, il y a une vingtaine d'années, je menais Kult. J’en suis tombé amoureux dès sa sortie en France, au milieu des années 90. J’adore ce jeu. Tellement que je me suis efforcé d’y jouer by the book. Sans succès, malheureusement. Je ne suis jamais parvenu à faire tourner le système à ma table et n’ai pas non plus réussi à exploiter l’univers dans mes parties, ou seulement quelques minuscules bribes. Trop vaste, trop riche, trop complexe. J’essayais de jouer Kult dans les règles de l’art et je me suis retrouvé à l’accommoder à ma sauce : règles simplifiées et scénarios ressemblant furieusement à des films d’horreur. À force de bidouillages, j’ai fini par comprendre que j’étais en train de développer mon propre jeu. Deux décennies plus tard, j’y suis encore.
CB : Tu testes, tu re-testes, tu fais jouer partout à travers la France et audelà... D’où vient la motivation, après
toutes ces années ?
JS : Les trois P, plaisir, passion et professionnalisme. En premier lieu, Sombre m’éclate. Je prends un pied colossal à le développer, l’écrire, le mener. Ce n’est pas à toi que j’essaierai de faire croire que le boulot d’auteur triclassé animateur et éditeur n’est qu’une longue succession de bonheurs sucrés. Y’a plein de trucs chiants, voire très chiants. Mais, quand je mène, même si je viens de m’enquiller quinze par parties en deux jours, même si je suis tellement fatigué que je ne sais plus très bien ce que je raconte, même si c’est la trois-centième
fois que je déroule mon scénar - je n’exagère pas, j’ai vraiment mené certains de mes scénarios trois cent fois ! – eh ben je prends mon pied. C’est plus fort que moi, j’aime ce putain de jeu.
CB : Tu es éditeur aussi ?
JS : Auteur de Sombre est mon métier. Bon, j’en ai plein d’autres à côté. Je dirige une revue et une (minuscule) maison d’édition, j’assure des animations à droite et à gauche, j’écris des nouvelles aussi. Mais, quand je playteste, rédige ou promotionne Sombre, je bosse. Et je suis le genre de garçon qui aime travailler carré, voire carré de chez carré. Je veux bien faire, ce qui implique d’avoir à ma disposition des outils ludiques performants et adaptés. Quand ce n’est pas le cas, je m’empresse de les créer. Tu vois l’Annapurna face Nord ? Je t’assure que certaines de mes démonstrations y ressemblent furieusement, tu n’y vas pas en slip. Tu t’équipes parce tu sais que sinon tu vas te planter. Je ne veux pas une bonne règle, je veux la meilleure règle que je sois capable de produire, donc je la playteste le temps qu’il faut pour l’améliorer autant que je le peux. Je ne veux pas un bon scénario, je veux le meilleur scénario que je puisse écrire, donc je le teste et le reteste. Cinq fois, dix fois, trente fois, cent fois avant de les publier dans ma revue. Je suis exigeant parce que je veux être efficace. Quand tu enchaînes les démos comme je le fais, environ deux cents par an, bosser avec du matos moisi serait une monstrueuse galère.
CB : Le taux de mortalité parmi les PJ à Sombre est des plus élevés, et pourtant les joueurs en redemandent. Pourquoi?
JS : Parce que c›est fun. Jouer une victime horrifique est super cool. Ce sont des gens ordinaires confrontés à des événements qui les mettent très durement à l›épreuve, pas des moutons qu›on mène à l›abattoir. Un film dans lequel les teenagers attendraient bien sagement dans leur lit que le tueur à la machette vienne les massacrer n’aurait aucun intérêt. Les victimes horrifiques luttent âprement pour survivre. Elles se sortent grave les doigts, et c’est passionnant à jouer. Il faut être dynamique, réactif, proactif et savoir garder son sang-froid même quand les règles, le scénario, le meneur et les autres joueurs conspirent pour te mettre la pression. Et il arrive même parfois que tu réussisses à atteindre le générique de fin en un seul morceau, auquel cas tu te sens le roi du monde. La final girl est l’avenir de l’homme, c’est clair.
CB : Des projets autour de ton jeu se multiplient. Pourrais-tu nous les présenter rapidement ?
JS : Comme je te le disais, Sombre n’a pas d’univers dédié, mais cela n’empêche pas qu’il a trois univers officiels. Je ne suis pas à un paradoxe près. Il se trouve, mais c’est un hasard, qu’ils sont tous plus ou moins inspirés de Lovecraft. On ne l’a pas fait exprès, c’est juste que j’ai tendance à bien m’entendre avec les gens qui ont bon goût en matière de littérature horrifique. Millevaux (1) est l’oeuvre de Thomas Munier. C’est un univers post-apo, forestier et sludgecore, motorisé aujourd’hui par plusieurs systèmes, dont le mien. Le contexte est une Europe du futur revenue à la barbarie après qu’elle ait été recouverte par une forêt surnaturelle. Développé par Thierry Salaün, Cthulhu DDR croise le Mythe et la République démocratique allemande des années soixante. Lovecraft au pays du socialisme réel, vaste programme. Et j’ai moi aussi commis un univers lovecraftien. Il s’agit d’Extinction, dont j’ai publié le cadre général dans Sombre 2. L’idée est de jouer après le réveil de Cthulhu. Mad Max dans la flotte, avec des gros monstres marins super agressifs.
CB : Comment vois-tu l'avenir pour Sombre ?
JS : Radieux ! Je suis actuellement dans la dernière ligne droite de Sombre 5. Je vais y parler des quickshots, ces parties que j’improvise à partir d’un brainstorming initial des joueurs. Il y aura également un petit setting forestier, façon cabane au fond des bois, et un scénario pour Sombre zéro dans lequel on joue des jouets. J’espère qu’il sera paru, ou en bonne voie de l’être, lorsque tes lecteurs liront cette interview. Sinon, j’ai établi des pré-sommaires pour encore au moins cinq ou six numéros. Il y aura notamment un spécial Sombre zéro, qui sera comme un nouveau livre de base avec les règles intégrales de la variante, un guide maîtrise et plusieurs scénarios. Ce sera normalement pour Sombre 6. Je consacrerai aussi un numéro au genre slasher, et peut-être un autre à l’horreur gothique, sous-genre dont je suis particulièrement fan.
CB : D'autres projets dans ta besace ?
JS : En jeu de rôle, non. Sombre sera ma seule et unique création. Je sais que je n’ai pas d’autre jeu en moi. Tout ce que j’aime dans le hobby s’y trouve concentré. Par contre, comme je te le disais tout à l’heure, je suis également nouvelliste. J’ai publié une poignée de textes ces dernières années, principalement chez Malpertuis, Dreampress et Parchemins & Traverses. Je voudrais bien les réunir en un recueil, mais il faudrait que j’y ajoute quelques nouvelles inédites. Or Sombre m’accapare beaucoup, ce qui me laisse peu de temps pour la littérature. Mieux équilibrer ma production est ma bonne résolution de 2016.
Propos recueillis par Laurent Devernay
Photo Christophe Delsart
Pour soutenir sombre, c'est ici : https://www.tipeee.com/johan-scipion-raconte-sombre
Photo Christophe Delsart
Pour soutenir sombre, c'est ici : https://www.tipeee.com/johan-scipion-raconte-sombre
1-Millevaux Créé par Thomas Munier,
Millevaux vous propose de découvrir une Europe postapo envahie par la forêt. Le peu d’habitants qui restent sont rongés par le Syndrome de l’Oubli, privés de la plupart de leurs souvenirs. Dans ce contexte se construisent desmythologies horribles. La survie y est un combat de tous les instants. Ce cadre est disponible sous la forme d’unouvrage ne contenant pas les règles de Sombre mais proposant moult outils pour se l’approprier, y compris desscénarios. On y sent le prolongement de la démarche de Johan Scipion : du matériel testé et émaillé de conseilsissus directement de la pratique.Allez voir de plus près le travail de Thomas Munier (http://outsider.rolepod.net/). Vous pouvez même commander un exemplaire, qu’il fabriquera entièrement lui-même, et découvrir Inflorenza, son jeu situé dans le même univers.
Pour aller un peut plus loin voici un entretiens de Thomas Munier sur Scifi-universeMillevaux vous propose de découvrir une Europe postapo envahie par la forêt. Le peu d’habitants qui restent sont rongés par le Syndrome de l’Oubli, privés de la plupart de leurs souvenirs. Dans ce contexte se construisent desmythologies horribles. La survie y est un combat de tous les instants. Ce cadre est disponible sous la forme d’unouvrage ne contenant pas les règles de Sombre mais proposant moult outils pour se l’approprier, y compris desscénarios. On y sent le prolongement de la démarche de Johan Scipion : du matériel testé et émaillé de conseilsissus directement de la pratique.Allez voir de plus près le travail de Thomas Munier (http://outsider.rolepod.net/). Vous pouvez même commander un exemplaire, qu’il fabriquera entièrement lui-même, et découvrir Inflorenza, son jeu situé dans le même univers.
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Certains peuples vouent un culte à l'argent au commerce, d'autres ne vivent que par la mécanique, d'autres encore se complaisent dans la conquête et la guerre. Croyez-moi, un marin au long cours aura l'occasion de voir bien des choses étranges au cours de ses voyages !
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entretien avec OVNI NOUVEL ÉDITEUR
Éditeur d’autres réalités Luchadores revient dans une nouvelle édition portée par des petits hommes verts dont la mission est d’explorer les chemins de traverse de l’univers littéraire. Rencontre autour d’une soucoupe.
Éditeur d’autres réalités Luchadores revient dans une nouvelle édition portée par des petits hommes verts dont la mission est d’explorer les chemins de traverse de l’univers littéraire. Rencontre autour d’une soucoupe.
Casus Belli : Pourrais-tu présenter rapidement « OVNI Éditeur d’autres réalités » et votre orientation éditoriale? Que cache ce titre mystérieux?
OVNI : OVNI est né de la rencontre entre Mr. X et Mrs. Smith, deux personnages aux forts caractères qui ne pouvaient créer que quelque chose hors du commun. Notre ligne éditoriale a découlé d’un constat que nous faisions depuis longtemps : aujourd’hui, les éditeurs ne prennent plus de risque. Ils font fi des textes sortant des cases, se contentant de ce que l’on appelle le « mainstream ». Pourtant, c’est bien en dehors de ces courants classiques que se trouvent nombre de perles. Nous avons donc décidé de publier ces perles, afin de leur donner l’éclairage qu’elles méritent. Notre ligne éditoriale se résume donc à un seul critère : sortir des sentiers battus. Nous n’avons pas de type littéraire particulier pour les romans, ni pour les jeux de rôle. De l’original, rien que ça !
Notre équipe est assez restreinte. Outre nous deux, nous nous sommes entourés de personnes autant de confiance que compétentes afin de sélectionner nos titres. Toutes les étapes de l’édition sont donc couvertes. De A à Z.
Quant au nom ? Nous cherchons à publier des objets culturels hors du commun. Que ce soient Pagan Pandemia, La Confidence d’Althios ou Luchadores, ce sont trois titres qui ne rentrent dans aucune case. Des OVNI, donc. Auxquels nous voulons croire.
CB : Alors pourquoi pas OLNI (Objet Ludique) ou ORNI (Objet Rôliste)?
OVNI : Parce que nous ne faisons pas que du jeu, mais aussi du roman!
CB : En effet… Qu’est-ce qui vous a fait choisir Luchadores comme premier JdR à (ré)éditer ?
OVNI : Pourquoi Luchadores ? Des catcheurs mexicains qui luttent contre des créatures surnaturelles à coup de clef de bras et autres projections, si ça ce n’est pas sortir des sentiers battus, je ne sais pas ce qu’il faut ! C’est ce contre-courant qui nous a séduits dans Luchadores. Ce parti pris affiché de quelque chose d’original, de jamais vu. Lors de sa première édition, Luchadores a rencontré son public (les notes du GROG, entre autres, en attestent). Mais le titre est très vite tombé en rupture. Il nous a semblé dommage qu’un tel titre ne soit plus disponible. Voilà donc les deux principales raisons qui nous ont fait contacter le collectif à l’origine de cette première édition. Ils nous ont très vite donné leur accord, et c’est ainsi qu'est née la Rumble Édition.
CB : Pourquoi ne pas être passé par un financement participatif comme beaucoup de « nouveaux » éditeurs ?
OVNI : Pour nous, le financement participatif est l’inverse d’une prise de risque éditoriale. Un éditeur qui croit dans un titre (roman ou JdR) se doit, selon nous, de s’impliquer dans ce projet, de le porter. Du début à la fin. Et donc d’investir son temps, son argent, son équipe, et de soutenir le(s) auteur(s). Il est facile de dire aux joueurs « vous voulez la version 12 de Patafoin & Romarin ? Donnez-nous des sioux, écrivez à l’ARC, et vous y aurez droit ! » et d’attendre que les euros s’accumulent jusqu’à un palier jugé suffisant afin de démarrer le travail sur le titre. De « prévendre » son jeu. De zapper les boutiques qui ne pourront pas le proposer. Non. Pas chez nous.
D’ailleurs, cela nous conduit à insister sur quelques spécificités de notre fonctionnement : un à-valoir de versé pour les romans, 20 % de droits d’auteur, une prise en charge totale de la promotion du titre… Ce genre de détails qui, nous l’espérons, nous différencient un peu des autres.
CB : Et maintenant que le pari est lancé, prévoyez-vous du suivi pour Luchadores ?
OVNI : La gamme se compose aujourd’hui de trois éléments : le livre de base, son écran rigide trois volets et Luchaventures, qui contient cinq scénarios parus à l’époque de la première édition du jeu. Les rassembler au sein d’un même fascicule pour les joueurs nous a paru un excellent prolongement à la campagne fournie dans le livre de base. Avant de faire de l’inédit, nous voulions déjà ressortir le jeu et les scénarios parus, introuvables ou presque aujourd’hui. Cela nous paraissait important pour tous ceux qui n’avaient pas pu profiter de la première version. Et l’écran rigide et le supplément Luchaventures sont des ajouts importants au jeu.
Il est un peu tôt pour parler du futur de la gamme, mais Green Tiburon et Black Torpedo seraient, selon nos informations, en train de cogiter sur une nounouvelle campagne. Nous en reparlerons lorsqu’il en sera temps !
(ndlr : Malgré un hangman magistral et diverses prises illégales réalisées alors que nous les avions coincés dans les cordes, OVNI n’a pas craché le morceau sur cette mystérieuse campagne)
CB : Et avez-vous d’autres projets en préparation (nouveaux JdR ou rééditions)?
OVNI : Oui, nous avons d’autres projets. Luchadores n’est que le premier titre JdR chez nous. Il y en aura d’autres. Mais, pour le moment, nous en sommes au niveau des contacts et des premiers échanges avec plusieurs auteurs. Il est trop tôt pour en dire plus. Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage, dit l’adage... À long terme, nous aimerions avoir un lien entre les JdR et le roman, l’un découlant de l’autre, quel que soit le sens, car ce sont deux loisirs amenés à emprunter les mêmes chemins.
CB : Un dernier mot avant de retourner dans votre vaisseau ?
OVNI : Que ceux qui sont intéressés peuvent nous soumettre des manuscrits ou des JdR, respectivement à ovnisoumission[a]gmail.com et projetdovni[a]gmail.com. Merci!
http://www.ovni-editeur.com/
OVNI : OVNI est né de la rencontre entre Mr. X et Mrs. Smith, deux personnages aux forts caractères qui ne pouvaient créer que quelque chose hors du commun. Notre ligne éditoriale a découlé d’un constat que nous faisions depuis longtemps : aujourd’hui, les éditeurs ne prennent plus de risque. Ils font fi des textes sortant des cases, se contentant de ce que l’on appelle le « mainstream ». Pourtant, c’est bien en dehors de ces courants classiques que se trouvent nombre de perles. Nous avons donc décidé de publier ces perles, afin de leur donner l’éclairage qu’elles méritent. Notre ligne éditoriale se résume donc à un seul critère : sortir des sentiers battus. Nous n’avons pas de type littéraire particulier pour les romans, ni pour les jeux de rôle. De l’original, rien que ça !
Notre équipe est assez restreinte. Outre nous deux, nous nous sommes entourés de personnes autant de confiance que compétentes afin de sélectionner nos titres. Toutes les étapes de l’édition sont donc couvertes. De A à Z.
Quant au nom ? Nous cherchons à publier des objets culturels hors du commun. Que ce soient Pagan Pandemia, La Confidence d’Althios ou Luchadores, ce sont trois titres qui ne rentrent dans aucune case. Des OVNI, donc. Auxquels nous voulons croire.
CB : Alors pourquoi pas OLNI (Objet Ludique) ou ORNI (Objet Rôliste)?
OVNI : Parce que nous ne faisons pas que du jeu, mais aussi du roman!
CB : En effet… Qu’est-ce qui vous a fait choisir Luchadores comme premier JdR à (ré)éditer ?
OVNI : Pourquoi Luchadores ? Des catcheurs mexicains qui luttent contre des créatures surnaturelles à coup de clef de bras et autres projections, si ça ce n’est pas sortir des sentiers battus, je ne sais pas ce qu’il faut ! C’est ce contre-courant qui nous a séduits dans Luchadores. Ce parti pris affiché de quelque chose d’original, de jamais vu. Lors de sa première édition, Luchadores a rencontré son public (les notes du GROG, entre autres, en attestent). Mais le titre est très vite tombé en rupture. Il nous a semblé dommage qu’un tel titre ne soit plus disponible. Voilà donc les deux principales raisons qui nous ont fait contacter le collectif à l’origine de cette première édition. Ils nous ont très vite donné leur accord, et c’est ainsi qu'est née la Rumble Édition.
CB : Pourquoi ne pas être passé par un financement participatif comme beaucoup de « nouveaux » éditeurs ?
OVNI : Pour nous, le financement participatif est l’inverse d’une prise de risque éditoriale. Un éditeur qui croit dans un titre (roman ou JdR) se doit, selon nous, de s’impliquer dans ce projet, de le porter. Du début à la fin. Et donc d’investir son temps, son argent, son équipe, et de soutenir le(s) auteur(s). Il est facile de dire aux joueurs « vous voulez la version 12 de Patafoin & Romarin ? Donnez-nous des sioux, écrivez à l’ARC, et vous y aurez droit ! » et d’attendre que les euros s’accumulent jusqu’à un palier jugé suffisant afin de démarrer le travail sur le titre. De « prévendre » son jeu. De zapper les boutiques qui ne pourront pas le proposer. Non. Pas chez nous.
D’ailleurs, cela nous conduit à insister sur quelques spécificités de notre fonctionnement : un à-valoir de versé pour les romans, 20 % de droits d’auteur, une prise en charge totale de la promotion du titre… Ce genre de détails qui, nous l’espérons, nous différencient un peu des autres.
CB : Et maintenant que le pari est lancé, prévoyez-vous du suivi pour Luchadores ?
OVNI : La gamme se compose aujourd’hui de trois éléments : le livre de base, son écran rigide trois volets et Luchaventures, qui contient cinq scénarios parus à l’époque de la première édition du jeu. Les rassembler au sein d’un même fascicule pour les joueurs nous a paru un excellent prolongement à la campagne fournie dans le livre de base. Avant de faire de l’inédit, nous voulions déjà ressortir le jeu et les scénarios parus, introuvables ou presque aujourd’hui. Cela nous paraissait important pour tous ceux qui n’avaient pas pu profiter de la première version. Et l’écran rigide et le supplément Luchaventures sont des ajouts importants au jeu.
Il est un peu tôt pour parler du futur de la gamme, mais Green Tiburon et Black Torpedo seraient, selon nos informations, en train de cogiter sur une nounouvelle campagne. Nous en reparlerons lorsqu’il en sera temps !
(ndlr : Malgré un hangman magistral et diverses prises illégales réalisées alors que nous les avions coincés dans les cordes, OVNI n’a pas craché le morceau sur cette mystérieuse campagne)
CB : Et avez-vous d’autres projets en préparation (nouveaux JdR ou rééditions)?
OVNI : Oui, nous avons d’autres projets. Luchadores n’est que le premier titre JdR chez nous. Il y en aura d’autres. Mais, pour le moment, nous en sommes au niveau des contacts et des premiers échanges avec plusieurs auteurs. Il est trop tôt pour en dire plus. Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage, dit l’adage... À long terme, nous aimerions avoir un lien entre les JdR et le roman, l’un découlant de l’autre, quel que soit le sens, car ce sont deux loisirs amenés à emprunter les mêmes chemins.
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Propos recueillis par Géraud « myvyrrian » G.
extrait du Casus Belli n°18 édité par BBE
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Certains peuples vouent un culte à l'argent au commerce, d'autres ne vivent que par la mécanique, d'autres encore se complaisent dans la conquête et la guerre. Croyez-moi, un marin au long cours aura l'occasion de voir bien des choses étranges au cours de ses voyages !
Hual Bouffeur d'Ecume
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Re: entretien avec...
La petie interview... Tristan Lhomme
Pour d'autre petites interview c'est par ICI
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Source : Farid ben salem
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